30.
Ce n'est pas là ce que j'avance, me direz-vous, et c'est une véritable injustice de me prêter un langage que je n'ai jamais formulé. Ne faites donc pas souffrir aux autres ce que vous ne voulez pas souffrir vous-même, et ne dites plus que «nous invitons aux doux larcins ceux à qui nous citons ces paroles de l'Apôtre : Je sais que le bien n'habite pas en moi, c'est-à-dire dans ma chair1». Quoiqu'ils ne réalisent pas le bien qu'ils veulent, lequel bien serait de ne plus convoiter, cependant ils font le bien en refusant d'obéir à leur concupiscence2. Si vous vous flattez d'enseigner la chasteté, lorsque vous dites : Ne vous laissez pas vaincre par le bien, mais triomphez du bien par le bien ; combien plus devons-nous l'enseigner, nous qui disons : «Ne vous laissez pas vaincre par le mal, mais triomphez du mal par le bien3 ? » Voyez si ce n'est pas une injustice de votre part de soutenir que nous ne combattons pas ce que nous haïssons, quand vous nous reprochez de croire que vous voulez jouir de ce que vous louez. Comment soutenir que les ennemis de la passion ne peuvent pas être chastes, quand on admet que ses amis peuvent l'être ? Vous niez le péché originel, vous refusez aux enfants le bénéfice de la rédemption opérée par Jésus-Christ, la loi du péché répugnant à la loi de l'esprit, vous voulez l'introduire dans le paradis avant le péché; or, ce sont là tout autant d'erreurs que nous réfutons dans cet ouvrage. Ce que nous ne voyons pas en vous, ce que nous n'entendons pas sortir de vos lèvres, nous nous abstenons de le juger ; que nous importe, après tout, ce que peuvent faire en secret des panégyristes aussi déclarés de la concupiscence ?