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Vous avez cru devoir entasser les passages des saintes Lettres pour prouver que nous sommes tous parfaitement d'accord à affirmer que «l'homme a été créé par Dieu », comme si l'on ne devait pas en dire autant du plus humble vermisseau. A quoi donc êtes-vous parvenu, si ce n'est à nous montrer qu'en fait de paroles vous avez pris le large pour y courir plus à votre aise ? Mais puisque vous insistez d'une manière toute spéciale sur le témoignage du saint homme Job, pourquoi donc ne vous êtes-vous pas rappelé que, parlant des péchés des hommes, ce patriarche déclare que personne n'est exempt de souillure, voire même l'enfant qui n'a encore vécu qu'un seul jour sur la terre1? Nier que tous, grands et petits, aient besoin de la miséricorde de celui qui est le salut des hommes et des animaux, et qui fait lever son soleil sur les bons et sur les méchants, qui .l'oserait, si ce n'est celui qui ne croit ni à l'existence de Dieu, ni à sa providence universelle ? Vous nous placez, sans doute, au nombre de ces téméraires, puisque vous mettez une sorte de complaisance à nous rappeler ces paroles de Job : «Vous m'avez formé d'os et de nerfs, et vous m'avez accordé la vie et la miséricorde2 ». Il pourrait se faire, toutefois, que Job n'eût pas parlé de tous les hommes, mais de lui seul, et qu'il eût remercié le Seigneur de ne l'avoir pas abandonné dans sa chair et de lui avoir accordé la grâce de vivre de la vie véritable, c'est-à-dire dans la justice. Ou plutôt sentant bien le néant de cette vie naturelle que nous apportons en naissant, il y aurait joint « la miséricorde » dont Dieu l'avait comblé pour l'empêcher de rester, comme les autres, naturellement enfant de colère et au nombre des vases de colère, et pour le ranger parmi les vases de miséricorde.
