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Mais, pour échapper à ces difficultés, voici le puissant moyen que vous croyez avoir trouvé : vous discutez longuement pour prouver que, «si le mal peut être transmis des parents aux enfants, ce mal disparaît nécessairement sous la main de Dieu, puisque c'est Dieu qui forme lui-même les enfants dans le sein de leur mère ». Pour nous prouver, comme si nous en doutions, cette action créatrice de Dieu, vous citez une multitude de témoignages des saintes Ecritures. Vous insistez spécialement sur le passage de l'Ecclésiastique, où il est dit que les oeuvres de Dieu sont occultes1, et vous le faites suivre des réflexions suivantes : «Cette maxime confond la vanité de ceux qui se flattent de comprendre par leur investigation la profondeur naturelle des choses ». Appliquez. vous donc à vous-même cette réflexion, et, quant à l'origine de l'âme, ne définissez rien au hasard, car c'est là un point sur lequel la raison doit avouer son impuissance, et sur lequel aussi les oracles divins n'ont rien de formel et d'explicite. Le plus sage parti à prendre, c'est d'imiter la mère des Macchabées. Vous rappelez vous-même le langage qu'elle adresse à ses enfants : «Je ne sais comment vous avez apparu dans mon sein2 ». Elle ne parlait assurément pas de leurs corps, car elle savait par quelle voie ils avaient été formés dans son sein ; mais leur âme émanait-elle de l'âme paternelle, ou leur était-elle advenue d'une autre manière, elle l'ignorait absolu ment; et, plutôt que de se montrer téméraire, elle confessait hautement son ignorance. El vous demandez encore : «Pourquoi les enfants ne sont-ils pas purifiés dans leur formation même? la puissance de leur Créateur n'est-elle point assez grande pour les laver de toutes les pollutions de leurs parents? » Vous ne remarquez pas que cela peut se dire également des vices antérieurs corporels que les enfants apportent quelquefois en naissant; et cependant personne ne doute que le Dieu véritable et bon soit l'auteur de tous les corps. Comment donc voit-on sortir des mains du puissant Architecte des corps, non-seulement vicieux, mais tellement monstrueux, que certains auteurs n'ont pas craint de les appeler des erreurs de la nature? Pauvres orgueilleux qui, ne pouvant sonder les opérations divines, ni comprendre ce que Dieu fait et pourquoi il le fait, rougissent d'avouer leur propre ignorance !
