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Vous m'accusez une seconde fois de me mettre en contradiction avec moi-même; et dans ce but vous citez ce passage de mon livre où j'ai établi une distinction réelle entre la propagation et les désirs de la délectation charnelle : «Autre chose est de connaître son épouse uniquement en vue de la génération, ce qui n'est point une faute; autre chose est, dans l'acte conjugal, de chercher la volupté de la chair, ce qui n'est qu'un péché véniel, pourvu que cet acte s'accomplisse dans le mariage1 ». Au jugement de tout homme prudent, il ne saurait y avoir aucune contradiction entre ces deux propositions. Mais je veux vous en donner une preuve qui frappera par l'évidence ceux mêmes que vous affectez de jeter dans l'erreur. Vous nous reprochez de chercher des excuses en faveur de ces hommes souillés et criminels qui s'abandonnent aux désirs les plus grossiers et que nous justifions de tout péché, sous prétexte qu'ils ont agi contre leur volonté a. Mais personne n'ignore que l'avertissement par nous répété sans cesse, c'est de combattre la concupiscence. Cette concupiscence, vous la regardez comme un bien, et cependant vous ne voulez pas que nous puissions vous accuser de froideur ou d'indifférence dans la lutte contre ce bien; nous qui la regardons au contraire comme un mal, quelle vigilance et quelle ardeur ne devons-nous pas soulever contre elle ? Ce que nous regardons comme indépendant de la volonté, c'est que la chair convoite contre l'esprit, et non pas que l'esprit convoite contre la chair. Cette dernière et excellente convoitise a pour résultat d'inspirer aux époux la volonté de n'user du mariage qu'en vue de la génération, et par là même de faire un bon usage du mal. C'est ce bon usage du mal qui rend l'acte conjugal véritablement honnête et nuptial ; tandis que chercher dans cet acte conjugal, non pas la génération, mais la satisfaction de la volupté, c'est une faute, mais une faute vénielle pour les époux. D'un autre côté, supposant l'acte conjugal aussi honnête que possible, je n'en affirme pas moins que l'enfant issu de cette union contracte une souillure dont il devra se purifier dans la régénération, parce que dans l'acte le plus honnête se trouve le concours de ce mal dont la sainteté nuptiale sait faire un bon usage. J'ajoute toutefois que les parents régénérés ne reçoivent aucune atteinte de cette souillure contractée par l'enfant. D'où je conclus que cette souillure doit nuire à l'enfant, jusqu'au moment où lui est conféré le bienfait de la régénération.
Du Mariage et de la Conc., liv. I, n. 17. ↩
