17.
Au milieu d'une multitude de choses parfaitement étrangères à la question qui nous occupe, vous laissez échapper certaines propositions qui me paraissent importantes à relever. Vous dites, par exemple, que « la curiosité reste d'ordinaire très-froide pour tout ce qu'elle comprend ; c'est donc pour la tenir plus en éveil qu'il a plu à Dieu de cacher sous le voile du mystère une multitude des oeuvres qu'il opère sur la terre ». En effet, c'est bien là le sentiment que nous inspirent toutes les oeuvres de Dieu, quand elles sont cachées à nos yeux ; en se mufti. pliant elles nous paraîtraient trop communes; et si nous les comprenions, elles cesseraient de nous étonner. De là ce mot de l'Ecriture : « Vous n'avez pas plus le dernier mot de toutes les oeuvres de Dieu, que vous ne comprenez comment se forment les ossements dans le sein de la mère1 ». C'est donc avec raison que vous avez pu dire de la curiosité qu'elle admire très-peu d'ordinaire ce qu'elle peut comprendre; de là le mystère qui voile à nos yeux beaucoup des oeuvres du Créateur. Mais alors, pourquoi donc, au nom de votre simple raison humaine, essayer de renverser ce que vous ne pouvez que dit. facilement comprendre dans la raison divine? Parlant du péché originel, j'ai dit, « non pas qu'il ne saurait nullement être compris », mais qu’ « il ne peut l'être que difficilement ». Ne puis-je donc pas vous répondre que, connaissant la curiosité humaine qui méprise bien vite ce qu'elle comprend, Dieu a voulu jeter le voile du mystère sur la transmission du péché originel, comme sur beaucoup d'autres choses, de manière à priver la raison humaine du pouvoir de la comprendre? Pourquoi donc vous attribuer la triste mission de lever contre le sein de votre mère la sainte Eglise, le glaive parricide de vos ridicules raisonnements, pour déchirer tout à votre aise la force cachée de ce sacrement qui nous prouve avec évidence que les enfants issus de parents déjà purifiés, ont eux-mêmes besoin des grâces de la régénération ; et si ces mères ignorent comment les os se forment dans leur sein, est-il étonnant qu'elles ignorent comment se transmet le péché ? Si je ne craignais, par de trop longs développements, de fatiguer l'attention du lecteur, j'énumérerais une multitude de faits, dans lesquels la raison se perd et ne voit plus que ténèbres. Je parlerais en particulier de la dégénérescence de certaines semences, qui produisent, non pas sans doute des genres différents, car l'olivier sauvage se rapproche toujours plus de l'olivier franc que de la vigne, mais une certaine dissimilitude semblable, comme par exemple dans la vigne sauvage, qui diffère de la vigne véritable, quoiqu'elle soit produite par la semence de cette dernière. Et dans combien d'autres plantes les choses se passent ainsi ! Pourquoi ne pas voir que le Créateur en a agi de cette manière pour nous aider à croire que les parents peuvent transmettre à leurs enfants un vice originel qui n'existe plus en eux? N'est-ce pas du reste avec cette conviction profonde que ces pères, déjà baptisés, s'empressent de procurer à leurs enfants cette même grâce qui arrache les hommes à la puissance des ténèbres et les transfère dans le royaume de Dieu? C'est là ce que votre père s'est. empressé de faire; il ignorait alors que cette même grâce trouverait un jour en vous un ingrat et fougueux adversaire.
Eccl. XI, 5. ↩
