49.
Vous invoquez ce passage de l'Apôtre Ne vous y trompez pas ; ni les fornicateurs ni les adorateurs des idoles », et autres qu'il énumère, « ne posséderont le royaume de Dieu ». Or, c'est à tous ces crimes que se trouvent entraînés tous ceux qui consentent aux mouvements coupables et honteux de cette concupiscence que vous louez. C'est ce qu'indique l'Apôtre : « Vous avez été ces coupables, mais vous avez été purifiés, mais vous avez été sanctifiés1 ». Il constate donc qu'il s'est fait en eux une grande amélioration, non pas en ce sens qu'ils soient dépouillés de toute concupiscence, ce qui ne saurait se faire en ce monde, mais en ce sens qu'ils savent ne plus lui obéir, et c'est ce qui arrive pour toute vie sérieusement bonne et chrétienne; enfin, c'est aussi pour eux une amélioration et un bonheur de savoir que la grâce a brisé en eux le lien qui les enchaînait au mal, et cette délivrance ne peut s'opérer que par la régénération. Vous donc qui pensez que, « si la concupiscence était un mal, « elle cesserait d'exister dans celui qui reçoit le baptême », vous êtes dans l'erreur la plus profonde. Le baptême nous délivre de tous les péchés, mais non pas de tous les maux; ou bien, pour être plus exact, il nous délivre de la coulpe de tous les maux, mais non pas de tous les maux eux-mêmes. Sommes-nous donc délivrés de la corruption du corps? Ne portons-nous pas en nous ce mal qui appesantit notre âme? Et s'est-il trompé celui qui a dit : « Le corps corruptible appesantit l'âme2 ? » Sommes-nous délivrés du mal de l'ignorance, qui est la cause d'une multitude de péchés? Est-ce un mal si léger que celui qui empêche l'homme de percevoir ce qui est de l'Esprit de Dieu? Parlant des chrétiens, l'Apôtre disait : « L'homme animal ne perçoit pas les choses qui sont de l'Esprit de Dieu; elles lui paraissent une folie, et il ne peut les comprendre, parce qu'on ne peut en juger que par une lumière spirituelle3 ». Un peu plus loin il ajoute : « Aussi, mes frères, je n'ai pu vous parler comme à des hommes spirituels, mais comme à des personnes encore charnelles. Comme à de petits enfants en Jésus-Christ, je ne vous ai donné que du lait, et non pas des viandes solides , parce que vous n'étiez pas encore capables de vous en nourrir, et à présent même, vous ne l'êtes pas encore, parce que vous a êtes encore charnels. Car, puisqu'il y a parmi a vous des jalousies, des disputes, n'est-il pas visible que vous êtes charnels, et que vous vous conduisez selon l'homme ? » Voyez quels ne sont pas les maux qu'il attribue au mal de l'ignorance. D'ailleurs, je ne pense pas qu'il s'adressait alors à des catéchumènes. Eussent-ils été des enfants en Jésus-Christ, s'ils n'avaient pas encore reçu le sacrement de la régénération? Si vous en doutez, écoutez ce que l'Apôtre leur dit un peu plus loin : « Ne savez-vous pas que vous êtes le temple de Dieu, et que l'Esprit de Dieu habite en vous1? » Cette fois, vous ne douterez pas, vous ne nierez pas qu'il fallait qu'ils fussent baptisés, pour pouvoir être le temple de Dieu, la demeure de l'Esprit de Dieu. Déjà même il leu avait dit : « Avez-vous donc été baptisés au nom de Paul4? » Avouez dès lors que le bain de la régénération, en les purifiant, sans aucun doute, de tous leurs péchés, ne les avait pas délivrés de ce grand mal de l'ignorance. Par suite de ce mal de l'ignorance, les choses qui sont de l'Esprit de Dieu n'étaient que folie pour ce temple de Dieu dans lequel habitait l'Esprit de Dieu. Niais pourvu qu'ils se perfectionnassent de jour en jour, et qu'ils continuassent à marcher dans la voie où ils venaient de s'engager, la vraie science devait leur être départie de plus en plus, et le mal de l'ignorance diminuer dans la même proportion. Non-seulement cette ignorance peut diminuer, mais nous croyons même que dès cette vie elle peut entièrement disparaître ; j'entends après le baptême; ai-je jamais dit que ce fût par la vertu directe du baptême? Quant à la concupiscence elle-même, personne ne doute qu'elle puisse diminuer en cette vie, mais non pas disparaître entièrement.
