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Mais quelle excellente pointe d'esprit ne fallait-il pas pour essayer, comme vous l'avez fait, la réfutation de ce passage où j'avais dit : « La concupiscence de la chair est effacée dans le baptême, non pas en ce sens qu'elle n'existe plus, mais en ce sens qu'elle n'est point imputée à péché; le péché est effacé, mais la a concupiscence demeure1? » Supposant donc que par le baptême la concupiscence est purifiée de toute souillure, vous tirez cette conclusion d'une étonnante subtilité : « La concupiscence est dépouillée de sa souillure », c'est-à-dire de la souillure qui la rendait coupable; donc elle est parfaitement absoute et absolument innocente. Mais si telle eût été ma pensée, tout en soutenant que cette concupiscence a été mauvaise, pourrai-je affirmer qu'elle l'est encore? Acceptons un instant l'interprétation par trop étrange que vous nous proposez; on vous annonce que tel homme a reçu l'absolution du crime d'homicide dont il s'était rendu coupable; sur quoi donc est tombée, dites-moi, cette justification ? serait-ce sur l'homicide lui-même, et non pas sur le malheureux qui s'en était rendu coupable? Cette conclusion ne saurait être tirée que par celui qui ne rougit pas de louer une passion contre laquelle il se voit réduit à soutenir un combat continuel. Et, pour comble d'audace, vous accompagnez de tous vos chants de triomphe la réfutation que vous faites d'une doctrine qui est bien la vôtre et nullement la mienne? Ce que vous dites, en effet, ne saurait venir que de ces hérétiques téméraires qui affirment que, par le baptême, la concupiscence de la chair a été sanctifiée et rendue chrétienne dans tous ceux qui ont été régénérés. Vous célébrez pompeusement la permanence et la légitimité de la concupiscence; après l'avoir proclamée « un bien naturel », ne deviez-vous pas; comme vous le faites pour les enfants, lui adjoindre « le bien de la sanctification », et faire ainsi de la concupiscence la plus sainte fille de Dieu? Nous, au contraire, nous la disons mauvaise, nous affirmons qu'elle reste comme telle dans les chrétiens régénérés, quoique le péché, non pas le péché dont elle était coupable, puisqu'elle n'est pas une personne , mais le péché dont elle avait rendu l'homme originairement coupable, ait été remis et pardonné dans le bain du baptême. Mais à Dieu ne plaise que nous proclamions jamais la sanctification de cette concupiscence contre laquelle, si ce n'est pas en vain qu'ils ont reçu la grâce de Dieu , tous les hommes régénérés ont besoin de soutenir une guerre intestine et continuelle, et de demander, de désirer avec ardeur leur guérison radicale et définitive.
Du Mariage et de la Concupiscence, III, n. 28. ↩
