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C'est donc en vain que, sous le voile trompeur de la dialectique, vous voulez vous déguiser aux yeux des simples ; le masque vous sera promptement arraché. Je soutiens que le vice, comme une maladie, s'est attaché à l'homme en vertu de son origine viciée ; je soutiens que les époux chastes font de ce mal un usage légitime, quand ils ont en vue la postérité ; mais ces éloges s'appliquent uniquement à celui qui réalise ce bon usage du mal, et non pas au mal lui-même. Ce n'est pas le mal qui est innocent, mais l'homme qui sait agir de telle sorte que le mal dont il use, ne nuise à son auteur en aucune manière. La mort est le supplice du pécheur, et cependant c'est le bon usage de la mort qui constitue le mérite du martyr. Or, dans le baptême, nous sommes parfaitement renouvelés et parfaitement guéris de tous les maux dont nous étions coupables, mais non pas des maux contre lesquels nous avons à lutter, pour ne pas devenir coupables; ces maux sont en nous-mêmes, ils ne nous sont pas étrangers, ils sont bien nôtres. S'agit-il de l'habitude de l'intempérance , les hommes se la font eux-mêmes, et ne l'ont point reçue de leur origine; après le baptême ils doivent donc lutter contre elle, s'ils ne veulent pas se voir entraînés dans les maux qui en sont ordinairement la suite; toutefois, quoiqu'ils résistent au mal en opposant la continence à la concupiscence, ils sentent encore en eux les convoitises contractées par l'habitude. C'est ainsi qu'on explique parfaitement pourquoi cette concupiscence génitale déposée en nous par le péché originel, impose à la veuve des combats plus violents qu'à la vierge, de plus violents surtout à la prostituée qui veut devenir chaste qu'à la personne qui l'a toujours été; et d'ailleurs, pour s'assurer la victoire, la volonté aura d'autant plus de force qu'elle en aura acquis davantage par une longue habitude. L'homme naît du mal, et avec le mal de la concupiscence; ce mal par lui-même est si grand, il est si étroitement lié à la damnation de l'homme, et à sa séparation du royaume de Dieu, que, fût-il contracté dans des parents régénérés, il ne peut être pardonné que dans le bain de la régénération, seul remède par lequel il soit possible aux enfants d'échapper à la mort, comme c'est par lui que leurs parents y ont échappé. Or, la qualité du mal ne passe pas d'une substance à une autre substance comme si elle passait d'un bien dans un autre, de telle sorte qu'elle cesse d'exister là où elle était, et qu'après avoir été dans telle âme elle se retrouve dans telle autre. Non , cette qualité, quoique du même genre, n'est pas dans les enfants numériquement la même que dans les parents; il n'y a pas transmigration de la part des uns aux autres, les parents la produisent par voie de génération comme des corps malades produisent la maladie.