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Puisque vous avouez que la coulpe d'un péché entièrement accompli demeure jusqu'à ce qu'elle soit effacée dans les fonts sacrés du baptême , dites-moi donc ce qu'est cette coulpe et quel en est le siège, dans un homme corrigé et d'une vie régulière, quoiqu'il n'ait pas encore obtenu sa délivrance dans la rémission des péchés. Cette coulpe est-elle une substance, soit spirituelle, soit corporelle? ou bien, n'est-elle qu'un accident inhérent à une substance, comme la fièvre , ou une blessure dans le corps, ou comme l'avarice ou l'erreur dans l'âme? Vous me répondrez qu'elle n'est qu'un accident, car vous n'oseriez affirmer qu'elle soit une substance. Mais alors dans quelle substance la placez-vous? Mais pourquoi vous demander une réponse, quand je la trouve dans vos propres paroles? « L'action passe », dites-vous, « mais la coulpe de meure dans la conscience qui a péché, jus qu'à ce que cette coulpe soit pardonnée ». Elle siège donc dans l'esprit de celui qui se souvient de sa faute et qui est agité par les remords de sa conscience, jusqu'à ce qu'il ait recouvré la paix dans la rémission de sa faute. Et si cette faute il venait à l'oublier et à n'éprouver aucun remords, où siégerait alors cette coulpe qui survit, dites-vous, à l'action criminelle, et demeure jusqu'à ce qu'elle soit effacée? Assurément, elle ne siège pas dans le corps, puisqu'elle n'est pas du nombre de ces accidents dont le corps est susceptible; elle ne siège pas dans l'âme, puisque l'âme en a complètement perdu le souvenir; et cependant elle existe. Où est-elle donc, surtout quand le coupable a repris une vie régulière et ne retombe plus dans ses fautes précédentes? On ne dira pas, sans doute, que la coulpe ne demeure qu'autant que l'on se souvient de ses péchés, tandis qu'elle ne demeure pas si les péchés sont oubliés. Elle demeure, quoi qu'il advienne, jusqu'à ce qu'elle ait été pardonnée. Où demeure-t-elle donc, si ce n'est dans les lois mystérieuses de Dieu, lois gravées en quelque sorte dans l'esprit des Anges, afin qu'aucune iniquité ne reste impunie, si ce n'est celle qui a été expiée par le sang du Médiateur? Si l'eau du baptême est consacrée par le signe de la croix du Sauveur, n'est-ce point pour effacer cette faute, écrite en quelque sorte, et en soustraire la connaissance aux puissances spirituelles, vengeresses de toutes les iniquités ? La sentence de condamnation pèse sur tous ceux qui naissent charnellement de la chair, et n'est effacée que dans le sang de celui qui est né dans la chair, et de la chair, mais spirituellement et non pas charnellement. En effet, Jésus-Christ est né du Saint-Esprit et de la Vierge Marie. Du Saint-Esprit, afin qu'il n'y eût pas en lui la chair de péché; de la Vierge Marie, afin qu'il portât en lui-même la ressemblance de la chair de péché. La sentence de condamnation ne pouvait donc lui être appliquée, et il l'a brisée en faveur de ceux qui devaient en être les victimes. En effet, il y a toujours iniquité dans l'homme, soit lorsque ses facultés supérieures se font les esclaves des facultés inférieures, soit lorsque ses facultés inférieures se révoltent audacieusement contre ses facultés supérieures, dût-on ne pas leur laisser la victoire. Si cette iniquité était subie par l'homme de la part d'un autre homme, l'un des deux pourrait être puni sans l'autre, à raison de leur séparation; mais ici rien de semblable, c'est dans et par l'homme lui-même que l'iniquité s'accomplit; si donc elle est punie, ce sera avec l'homme; si elle est pardonnée, ce sera également avec l'homme. De plus, quoique l'homme soit pardonné et avec lui la coulpe de sa concupiscence, cette concupiscence continue à combattre contre l'esprit; mais pourvu que l'homme conserve son innocence, il n'aura pas à craindre qu'elle le précipite dans les tourments après la mort, qu'elle le prive du royaume de Dieu, qu'elle l'enchaîne à l'éternelle réprobation. Enfin, quand il nous sera donné d'être entièrement dépouillés de cette concupiscence, ce n'est pas une nature étrangère à la nôtre que nous aurons perdue, ce sera seulement notre propre nature, jusque-là victime de la langueur originelle, qui aura reçu sa guérison parfaite.
