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J'ai ajouté : « Que celui qui s'étonne de voir une créature de Dieu soumise au «joug du démon, ne s'étonne pas; car c'est la créature de Dieu soumise à la créature a de Dieu, celle qui est inférieure soumise à celle qui lui est supérieure1 ». Vous citez ces paroles de mon livre ; mais pourquoi ne pas citer également les paroles suivantes, par lesquelles j'ai montré dans quel sens on devait interpréter ces mots: « La créature inférieure soumise à la créature supérieure », c'est-à-dire la nature humaine à la nature angélique? J'estime qu'avant tout vous vouliez rendre mon langage inintelligible, afin de trouver là une belle occasion d'entasser de profondes ténèbres, à l'aide de toutes les catégories d'Aristote, et de faire applaudir votre génie par ceux qui ne savent même pas ce que vous dites. Votre hérésie n'en est-elle pas arrivée à ce point que vos sectateurs gémissent de ne pas trouver pour juges dans l'Eglise, des dialecticiens des écoles péripatéticiennes ou stoïciennes , qui puissent vous absoudre? Dans quelle pensée, dans quel dessein, dans quel but avez-vous dit : « Le plus grand et a le plus petit sont pour une quantité les deux extrêmes limites? Mais », ajoutez-vous, « non-seulement la quantité n'est pas susceptible des contraires, et cette propriété lui est commune avec la qualité et les autres prédicaments ou catégories; mais encore, elle n'a pas de contraire, et en cela elle se a rapproche de la substance, tandis que le bien et le mal sont deux contraires?» Assurément jamais vous n'auriez tenu un semblable langage si vous aviez pensé devoir être compris par vos auditeurs ou par vos lecteurs. Faut-il donc conclure quo l'homme souillé n'a pas dû être soumis à l'ange souillé, par la raison que la quantité qui fait de l'ange un être supérieur à l'homme, non-seulement n'est pas susceptible des contraires, mais même n'a pas de contraire? Il faudrait en conclure que l'homme aurait dû être soumis au démon s'il lui avait été trouvé contraire; tandis que les maux ne doivent pas être soumis aux maux, puisque c'est le bien qui est contraire au mal, et non pas le mal au mal lui-même? N'est-ce point là le comble de l'absurdité et de la folie? Est-ce que le serviteur n'est pas soumis à son maître, et le bon au bon, et le méchant au méchant, et le mauvais au bon, et le bon au méchant? La femme n'est-elle pas soumise à son mari, une bonne à un bon, une mauvaise à un mauvais, une mauvaise à un bon, une bonne à un mauvais? Du moment donc qu'une chose doit être soumise à une autre, qu'importe que l'une ou l'autre des deux puisse ou ne puisse pas avoir de contraire? Toujours est-il que vous vous seriez abstenu à tout jamais de ces réflexions inconsidérées, si à1a folie qui vous les a suggérées vous aviez opposé son contraire, c’est-à-dire la sagesse.
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Du Mariage et de la Conc., liv. I, n. 26. ↩