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Vous avez jugé bon de citer certaines doctrines manichéennes, afin de montrer combien la mienne s'en rapproche. Vous oubliez donc que cette détestable hérésie a pour premier principe l'opinion fabuleuse et insensée du mélange des deux natures, le bien et le mal. Or, non-seulement ma foi et mes paroles condamnent et réprouvent cette opinion ; je prouverai même, en vous réfutant, que vous êtes leur plus puissant auxiliaire. La vérité, pour les confondre, crie contre eux de toutes ses voix, que le mal n'a pu sortir que du bien ; or, n'est-ce pas pour eux et avec eux que vous vous écriez vous-même contre toute vérité : « L'oeuvre du démon ne saurait se transmettre par l'oeuvre de Dieu. La racine du mal ne peut se trouver dans, ce qui est un don de Dieu. Il est contraire à la nature des choses que le mal sorte du bien, et que l'iniquité sorte de la justice. Le péché ne peut naître de ce qui est exempt de péché. La faute ne peut sortir d'une oeuvre qui n'est pas une faute1 ? » Ces paroles, dont vous ne nierez pas la paternité, n'affirment-elles pas que le mal ne peut sortir du bien? De à cette conclusion manichéenne : Le mal ne peut venir que du mal. Et vous osez flétrir votre adversaire du nom de Manichéen; comme si vous vous posiez franchement leur ennemi ; vous ne voyez donc pas que votre cause est tellement liée à la leur, qu'ils ne peuvent être vaincus, sans que par le fait vous le soyez vous-même? Ne l'ai-je pas prouvé très longuement dans le premier livre de cet ouvrage2; plus brièvement dans le cinquième3? et tout ce que j'ai dit jusqu'ici tend à la même conclusion.
