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Reste à savoir si la nature humaine paraît à saint Ambroise capable de justification et de perfection. Comment l'affirmer quand, si souvent et sous tant de formes différentes, on l'entend soutenir que l'homme naît sous le joug du péché, et qu'il sort d'une source viciée? Or, j'ai prouvé précédemment que saint Ambroise enseigne, pour la nature humaine, la possibilité de. la justification et de la perfection ; j'ai cité comme preuve ces paroles : « Par sa chair, Jésus-Christ a condamné le péché, qu'il n'a point contracté en naissant, et qu'il a crucifié en mourant, et c'est ainsi que la justification par la grâce s'est accomplie dans notre chair, restée jusque-là sous le joug du péché comme une masse d'iniquité1 ». Ces paroles prouvent clairement que saint Ambroise regarde comme capable de justification la nature humaine tout entière, quoiqu'elle naisse sous le joug du péché ; mais cette justification n'est possible que par la grâce, et c'est là ce qui vous révolte, vous les ennemis acharnés de la grâce. Et si vous demandez quelque chose de plus formel encore, écoutez ce que dit le même docteur dans son commentaire de la prophétie d'Isaïe : «Remarquez qu'après cette vie il y aura pour nous une autre régénération dont il a été dit : A la régénération, lorsque le Fils de l'homme siégera sur le trône de sa gloire2. De même que le baptême est pour nous une régénération, parce que nous y sommes renouvelés par la rémission des péchés ; de même nous pouvons regarder comme une autre régénération cette transformation qui fera de notre corps un corps tout spirituel, soustraira notre âme à tout contact matériel, et nous régénérera pour la vie éternelle » . Ainsi donc notre saint docteur met une distinction essentielle entre la justification de cette vie, laquelle s'opère par le bain de la régénération, et la perfection de l'autre vie, dans laquelle nos corps seront renouvelés par l'immortalité. Jamais, dès lors, il n'a désespéré de la perfection ni de la justification absolue, quoiqu'il ait admis le vice originel dans les enfants. En effet, de même que la nature humaine s'est prêtée docile à la main créatrice de Dieu, de même est-elle heureuse de trouver dans le sang du Rédempteur le remède tout-puissant pour la guérir.
