30.
Osez-vous dire dans votre coeur que les hommes, quand ils vous entendent, s'enflamment de zèle pour la vertu, tandis que, en recueillant les accents des Cyprien, des Hilaire, des Grégoire, des Ambroise et d'autres encore, ils s'affaissent sous le poids du désespoir, et renoncent à tout désir de la perfection ? Des pensées aussi monstrueuses peuvent-elles monter dans votre coeur sans briser votre front? Les saints, les patriarches, les Prophètes, les Apôtres sont-ils par vous comblés de toutes les louanges de la nature, tandis que ces grandes lumières de l'Eglise leur jetteraient à la face toutes les hontes de cette même nature, et cela parce que ces docteurs nous enseignent que les saints, pendant qu'ils étaient captifs dans ce corps de mort, ont eu besoin, pour conserver le don de la chaste de combattre contre le vice naturel de la concupiscence, et de s'armer sans cesse de la grâce de Dieu, en attendant leur parfaite guérison dans la résurrection dernière? Ces paroles : «Je ne fais pas le bien que je veux », vous semblent ne pouvoir être que le langage du juif, et par là vous vous flattez de ne pas faire retomber sur la nature les souillures do la vie, et de ne pas en être réduit à couvrir d'injures les Apôtres, sous prétexte de les consoler des obscénités qu'ils apportent en naissant. Or, ce que vous ne faites pas, saint Ambroise le faisait, ainsi que ses collègues; quand il voulait que l'Apôtre eût dit de lui-même : «Je ne fais pas le bien que je veut, mais je fais le mal que je ne veux pas; je vois dans mes membres une autre loi qui répugne à la loi de mon esprit1 », et autres choses du même genre, en tenant un semblable langage, ces saints docteurs, comme vous me le reprochez à moi-même, renversent donc le mur de la pudeur, et pour vous, si vous souffrez les persécutions de l'envie, c'est parce que vous prêchez la perfection ?
Mais, comme vous l'écrivez encore, ce qui vous honore, c'est d'avoir déplu à celui qui n'a pas même épargné les Apôtres. Si, dans mon langage, je n'ai pas même épargné les Apôtres, Ambroise ne les a pas épargnés davantage, ni lui, ni ses collègues. Or, si la doctrine qu'ils enseignent, ils l'ont apprise des Apôtres, pourquoi donc suis-je seul l'objet de vos accusations ? Jetez les yeux sur eux, et, déposant votre haine et vos ressentiments, prêtez à leurs leçons une attention sérieuse. Vous me direz alors, jeune présomptueux, si vous devez vous consoler ou pleurer de vous voir en contradiction évidente avec ces grands docteurs.
Rom. VII, 19, 23. ↩
