1.
Pour répondre à ceux qui exaltent et défendent le libre arbitre de l'homme jusqu'à nier et tenter de détruire la grâce, par laquelle Dieu nous appelle vers lui, nous délivre de nos péchés et nous fait acquérir les mérites nécessaires pour parvenir à la vie éternelle, j'ai déjà composé de volumineux ouvrages et dicté de nombreuses lettres, autant du moins qu'il a plu à Dieu de m'accorder le secours de ses lumières. Mais à côté de cette première classe d'adversaires, il s'en élève d'autres qui défendent la grâce de Dieu jusqu'à nier le libre arbitre de l'homme, ou du moins imaginent qu'en défendant la grâce on nie par le fait même le libre arbitre. Pour montrer que même ces derniers sont dans l'erreur, pressé du reste par votre grande charité, j'ai pris le parti de vous adresser ce livre, à vous Valentin, notre bien-aimé frère, et à lotis vos religieux. En effet, quelques membres de votre communauté, venus à Hippone, nous oint appris qu'il s'était élevé parmi vous certaines dissensions au sujet de la grâce et du libre arbitre : voilà pourquoi nous les avons chargés de vous présenter ce livre et les lettres qui l'accompagnent. Ainsi donc, frères bien-aimés, ne vous laissez point troubler par l'obscurité de cette question, et rendez grâces à Dieu de toutes celles que vous comprenez. Quant aux matières qui vous paraissent au-dessus de la portée de votre intelligence, faites en sorte qu'elles ne troublent ni la paix ni la charité qui doivent régner entre vous, et demandez à Dieu qu'il daigne vous éclairer. Enfin, jusqu'à ce qu'il vous donne la grâce de percevoir ce que vous ne comprenez pas encore, marchez de telle sorte que vous puissiez parvenir à cette faveur. C'est l'avertissement que nous donne l'apôtre saint Paul qui, après avoir constaté son imperfection, ajoutait : « Quelle que soit notre perfection pour connaître ces vérités » ; comme s'il eût dit : Nous sommes parfaits, mais pas encore au degré que nous devons posséder. Il continue : « Et si vous avez quelque autre sentiment de vous-mêmes, Dieu vous découvrira ce que vous devez en croire; cependant, pour ce qui regarde les connaissances auxquelles nous sommes parvenus, demeurons dans la même règle1 ». En effet, c'est en marchant selon ces connaissances, que nous pourrons atteindre la perfection vers laquelle nous tendons, et Dieu nous révélera d'autres connaissances, si nous n'abandonnons pas celles que déjà nous avons reçues.
Philipp. III, 12-16. ↩
