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Il n'est pas douteux que Dieu, qui a fait dans le ciel et sur la terre tout ce qu'il a voulu1, et qui même a déjà fait ce qui doit arriver2, peut imposer sa volonté à toutes les volontés humaines et faire tout ce qui lui plaît; car il fait toujours ce qu'il veut, lorsqu'il le veut, des volontés humaines. Je ne citerai que fort peu d'exemples. Quand Dieu voulut donner l'empire à Saül, les Israélites étaient-ils si parfaitement libres de se soumettre ou de ne pas se soumettre à ce roi, qu'ils eussent le pouvoir de résister à Dieu? Il est vrai, cependant le Seigneur, avant de prendre cette mesure, voulut consulter les dispositions de son peuple, quoiqu'il eût plein pouvoir d'incliner les coeurs de quelque côté qu'il eût voulu. Voici ce que nous lisons : « Samuel congédia le peuple et chacun retourna à sa demeure; de son côté, Saül se retira dans sa maison de Gabaa, et les principaux, dont Dieu avait touché le coeur, se mirent à la suite de Saül. Et les opposants s'écrièrent : « Qui donc nous sauvera? Sera-ce cet homme? Et ils le couvrirent d'outrages, et refusèrent de lui offrir des présents3 ». Dira-t-on que de tous ceux dont Dieu avait touché le coeur, personne ne dut accompagner Saül; ou bien qu'il fut accompagné par un seul des opposants dont Dieu n'avait pas touché le coeur?
Au sujet de David, dont les glorieuses victoires avaient constaté le choix que le Seigneur avait fait de lui pour monter sur le trône, nous lisons également: « Et David marchait de triomphe en triomphe; sa gloire allait toujours en croissant, et le Seigneur était avec lui4 ». Cela posé, le texte sacré ajoute aussitôt : « Alors Amasa , qui était le premier entre les trente, tout transporté par l'Esprit-Saint, lui répondit : Nous sommes à vous, ô David, et nous serons toujours avec vous, ô Fils de Jessé. La paix, la paix soit avec vous et avec ceux qui prennent votre défense, car Dieu vous protège ». Est-ce que cet Amasaï pouvait s'opposer à la volonté de Dieu, et ne pas obéir à Celui qui avait agi sur son cœur par l'action directe de l'Esprit-Saint dont il fut revêtu et qui lui inspirait de vouloir, de parler et d'agir en ce sens? Un peu plus loin nous lisons : « Tous ces guerriers qui ne demandaient qu'à combattre, vinrent avec un cœur parfait trouver David à Hébron, pour l'établir roi surtout Israël5». C'est donc bien par leur propre volonté qu'ils choisirent David pour leur roi. Qui ne le voit pas? Qui pourrait le nier? Ce qu'ils firent dans toute la paix de leur coeur, l'ont-ils fait malgré eux et par force? Et pourtant cette détermination leur fut réellement inspirée par celui qui agit à sa volonté sur le cœur des hommes. De là ces paroles déjà citées : « David faisait tous les jours de nouveaux progrès; sa gloire allait toujours croissant, et le Seigneur était avec lui ». Or, ce Dieu tout-puissant qui était avec David inspira à ces Israélites la volonté de se choisir pour roi le fils de Jessé. Et comment donc leur inspira-t-il cette volonté ? Est-ce par la contrainte et en les chargeant de chaînes corporelles? Il agit intérieurement, il s'empara de leur coeur et les entraîna par la force même des résolutions qu'il avait fait naître dans leur volonté. Si donc, lorsqu'il veut établir des rois sur la terre, Dieu est plus maître des volontés des hommes qu'ils ne le sont eux-mêmes, quel autre que lui peut rendre la correction efficace et salutaire ; quel autre que lui peut donner à la correction d'un coupable la vertu de le placer dans le royaume des cieux ?