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La prédication de la prédestination ne doit donc pas être un obstacle à la prédication de la persévérance et des progrès dans la foi, afin que ceux à qui il a été donné d'entendre, entendent ce qu'ils ont besoin d'entendre : car comment entendront-ils, si personne ne leur prêche1? Et réciproquement, l'exhortation aux progrès et à la constance jusqu'au dernier moment dans la foi, ne doit pas être un obstacle à la prédication de la prédestination, afin que celui qui vit fidèlement et avec obéissance, ne s'enorgueillisse point de cette obéissance même comme d'un bien qui lui appartiendrait, et qu'il n'aurait point reçu ; mais que celui qui se glorifie, se glorifie dans le Seigneur2. Car nous ne devons nous glorifier de rien, « puisque rien ne nous appartient ». Cyprien avait reconnu cette vérité parfaitement rigoureuse, et en l'affirmant avec assurance3, il affirmait par là même la réalité incontestable de la prédestination. En effet, si nous ne devons nous glorifier en rien, parce que rien ne nous appartient », il s'ensuit nécessairement que nous ne devons pas même nous glorifier de la persévérance la plus absolue dans l'obéissance; et que cette obéissance ne doit pas non plus être appelée nôtre, comme si elle ne nous avait pas été donnée d'en haut. Conséquemment, cette obéissance même est un don de Dieu, mais un don que, comme tout homme chrétien le confesse, Dieu dans sa prescience a prévu devoir être donné par lui à ceux qui seraient appelés de cette vocation dont il a été dit : « Les dons et la vocation de Dieu sont sans repentance4 ». Telle est donc la prédestination que nous prêchons avec autant de sincérité que d'humilité. Et cependant ce même Cyprien, qui enseignait et qui agissait conformément à ses enseignements, qui non-seulement croyait en Jésus-Christ, mais qui persévéra dans une sainte obéissance jusqu'à souffrir la mort pour Jésus-Christ, ce même Cyprien, quoiqu'il eût dit : « Nous ne devons nous glorifier en rien, parce que rien ne nous appartient », ne cessa pas pour cela de prêcher l'Evangile, d'exhorter les hommes à croire, à rendre leurs moeurs conformes à la piété, et à persévérer jusqu'à la fin. Il avait par ces paroles déclaré sans aucune ambiguïté que la grâce de Dieu est une grâce véritable, c'est-à-dire, qu'elle ne nous est point donnée suivant nos mérites; et puisque Dieu a prévu qu'il la donnerait, ces mêmes paroles sont donc évidemment une prédication de la prédestination : or, si cette prédication de la prédestination n'a pas empêché Cyprien de prêcher aussi l'obéissance, elle ne doit pas non plus nous empêcher nous-même de le faire.