42.
Ce que j'ai dit de la chasteté peut se dire en toute vérité de la foi, de la piété, de la charité, de la persévérance ; et, pour ne pas nommer chaque vertu en particulier, cela peut se dire de toute sorte d'obéissance à Dieu. Mais ceux qui prétendent que le commencement seul de la foi et la persévérance finale sont en notre pouvoir ; qui ne les regardent point comme des dons de Dieu ; qui croient que les pensées et la volonté nécessaires pour les obtenir et les conserver ne sont pas en nous l'oeuvre de Dieu, et qui avouent cependant que les autres vertus sont des dons de Dieu, accordés par lui à la foi de ceux qui les demandent; pourquoi ceux-là ne craignent-ils pas que la doctrine de la prédestination ne soit un obstacle pour l'exhortation aux autres vertus et pour la prédication de ces mêmes vertus ? Oseront-ils dire que celles-ci ne sont pas un objet de prédestination? Mais alors elles ne seraient pas des dons de Dieu, ou bien Dieu n'aurait pas su qu'il les donnerait un jour. Si au contraire elles sont des dons de Dieu, et si en même temps Dieu a prévu qu'il les donnerait, elles sont nécessairement l'objet d'un acte de prédestination de sa part. Conséquemment, puisqu'ils font eux-mêmes des exhortations à la chasteté, à la charité, à la piété et aux autres vertus qu'ils reconnaissent être des dons de Dieu ; puisqu'ils ne peuvent nier que ces dons aient été connus d'avance par Dieu, et par là même qu'ils aient été l'objet d'un acte de prédestination; puisqu'ils ne disent pas néanmoins que leurs exhortations sont rendues impossibles par la prédication de la prédestination divine, c'est-à-dire, par la prédication de la prescience de Dieu relativement à ces dons qu'il devait donner lui-même : qu'ils reconnaissent donc aussi que leurs exhortations à la foi et à la persévérance finale ne sont pas rendues impossibles parce qu'on dit, ce qui est parfaitement vrai, que l'une et l'autre sont toujours des dons de Dieu, mais des dons connus d'avance par lui, c'est-à-dire, destinés d'avance à être octroyés; qu'ils reconnaissent que cette prédication de la prédestination empêche plutôt et confond l'erreur pernicieuse suivant laquelle la grâce de Dieu est donnée d'après nos mérites, de telle sorte que celui qui se glorifie devrait se glorifier, non pas dans le Seigneur, mais en lui-même.