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Notre désir est de rendre cette vérité tout à fait évidente pour les esprits les plus lents : que ceux à qui il a été donné une intelligence saisissant rapidement la vérité, me pardonnent cette longueur. L'apôtre saint Jacques dit : « Si quelqu'un parmi vous manque de sagesse, il doit la demander à Dieu qui donne à tous en abondance et ne reproche rien; et elle lui sera donnée1 ». Il est écrit aussi dans les Proverbes de Salomon : « Le Seigneur donne la sagesse2 ». Et au livre de la Sagesse, dont l'autorité a été invoquée par de grands et doctes personnages qui ont étudié les divines Ecritures longtemps avant nous; au livre de la Sagesse donc, on lit par rapport à la continence : « Je a savais que personne ne peut être chaste, s'il ne reçoit de Dieu ce don : et c'était déjà un acte de sagesse, de savoir de qui venait ce don3 ». Toutes deux, c'est-à-dire, pour ne point parler des autres, la continence et la sagesse, sont ainsi des dons de Dieu. Nos adversaires mêmes en conviennent : car ils ne sont pas Pélagiens et ne luttent pas avec la malignité et l'opiniâtreté des hérétiques contre une vérité si manifeste. «Mais », disent-ils, « pour qu'elles nous soient données par Dieu , il faut qu'elles soient méritées par la foi dont le commencement nous appartient » : car ils prétendent glie le commencement de la foi et la persévérance jusqu'à la fin dans cette même foi, nous appartiennent à nous-mêmes, comme si nous ne les recevions point de Dieu. Or, sans aucun doute, ils contredisent en cela ces paroles de l'Apôtre : « Qu'avez-vous que vous n'ayez reçu4 ? » Ils contredisent pareillement celles-ci de Cyprien, martyr : « Nous ne devons nous glorifier en rien, puisque rien ne nous appartient5 ». Nous avons dit déjà tout cela, et beaucoup d'autres choses qu'il serait fastidieux de répéter; nous avons montré que le commencement de la foi aussi bien que la persévérance finale sont des dons de Dieu; que Dieu n'a pas pu ne pas connaître d'avance tous les dons qu'il devait accorder dans la suite, et les personnes auxquelles il devait les accorder; que par là même ceux qu'il délivre et qu'il couronne ont été prédestinés par lui: nos adversaires croient devoir répondre à cela que « la doctrine de la prédestination rend inutile la prédication, par la raison qu'après avoir entendu cette doctrine, personne ne peut plus être excité par l'aiguillon des réprimandes ». Tel est leur langage, et, suivant eux , « on ne doit pas prêcher aux hommes que c'est par un don de Dieu que l'on arrive à la foi et que l'on persévère dans la foi, de peur de paraître, au lieu d'exhorter ses auditeurs, les porter plutôt au désespoir, quand ils penseront en eux-mêmes qu'il est impossible à l'ignorance humaine de connaître ceux à qui Dieu accorde ces dons et ceux à qui il ne les accorde pas ». Pourquoi donc eux-mêmes aussi bien que nous, prêchent-ils que la sa. gesse et la continence sont des dons de Dieu? Et si l'on prêche que l'une et l'autre sont des dons de Dieu, sans que les exhortations adressées aux hommes afin de les porter à pratiquer ces vertus deviennent pour cela impraticables, quelle raison ont-ils de penser que les exhortations par lesquelles nous engageons les hommes à venir à la foi et à y demeurer jusqu'à la fin, ne sont plus possibles, quand nous déclarons que ces deux choses sont des dons de Dieu, comme le témoignage des divines Ecritures le prouve clairement ?