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Jul. Pour le moment, il me suffira de faire observer en deux mots que tu ne peux en aucune manière trouver dans ces paroles la confirmation d'une maxime dont la science, la raison et la loi de Dieu démontrent hautement l'injustice. Que le lecteur attentif médite donc à loisir cette proposition énoncée par toi : Dieu donne l'existence à des êtres mauvais, et il crée les hommes dans une condition telle que, sans avoir mérité, par leur volonté personnelle, ni récompense, ni châtiment, ils sont tous dans la voie de la damnation.
Aug. Voici ce que j'ai dit : Dieu crée la nature des hommes; ceux-ci sont mauvais, il est vrai, mais Dieu n'est point l'auteur du vice dont ils sont flétris; il tire au contraire le bien de ce vice, quoique les hommes créés par lui soient réellement mauvais; il les crée en tant qu'ils sont hommes, non pas en tant qu'ils sont mauvais. Ces hommes, en effet, ne seraient pas appelés des vases d'ignominie, s'ils n'étaient point mauvais ; cependant, par la nature qu'ils ont reçue de Dieu, ils sont bons incontestablement; mais ils sont mauvais par l'effet du vice, dont l'ennemi a déposé le germe dans leur nature, quoique en cela il ait agi directement contre les droits de celle-ci; car c'est par là que la nature est devenue mauvaise; en d'autres termes, que l'homme est devenu mauvais. Le mal, en effet, en effet, ne peut jamais subsister que dans quelque bien, par la raison qu’il ne peut subsister ailleurs que dans une substance ; or, toute substance, en tant qu’elle est substance, est une chose bonne. Considérez avec soin quel est le sens véritable des paroles qui semblent se contredire mutuellement, mais qui en réalité ne se contredisent point, si toutefois les fumées d'une opiniâtreté orgueilleuse ne vous ont pas rendus complètement aveugles.