24.
Jul. Je lui ai répondu : « Pour toi, s'il m'est permis de parler en ces termes à un maître aussi illustre, tu cherches des détours ; mais sache bien que la vérité ne t'a pas laissé la faculté de divaguer. Nous a reconnaissons avec vous que le péché est l'oeuvre d'une volonté mauvaise ou l'oeuvre du démon ; mais comment ce péché peut-il se trouver dans un enfant? Par la volonté? Mais la volonté n'a pas encore existé en lui. Par la nature corporelle qu'il reçoit? Mais cette nature lui vient de Dieu. Par l'âme qui vient s'unir à ce corps ? Mais cette âme créée nouvellement par Dieu n'a rien de commun avec le sang dont le corps est formé. Par suite de l'acte conjugal? Mais cet acte fait partie du devoir des parents que tu avais déclaré précédemment ne point pécher quand ils l'accomplissent : si cette concession n'était pas sincère de ta part, comme la suite de ton argumentation le fait voir, les noces doivent donc être maudites, puisqu'elles sont la cause du mal. Cependant le mariage n'est pas une substance particulière; c'est un mot dont on se sert pour exprimer une oeuvre accomplie par des personnes: conséquemment, les parents qui ont été par leur union la cause du péché, méritent une juste condamnation. Il n'est donc plus possible de douter que les supplices éternels doivent être le partage des époux à qui le démon est lui-même redevable du pouvoir absolu qu'il a réussi à exercer sur les hommes. Si tu acceptes cette a conclusion, tu rétractes par là même tout ce que tu paraissais avoir affirmé précédemment, savoir que l'homme est l'oeuvre de Dieu. Car, l'union charnelle étant l'origine des enfants, si le mal dont l'humanité est flétrie vient de notre origine, et si les droits que le démon exerce sur l'homme lui viennent précisément de ce mal, il s'ensuit nécessairement que le démon est l'auteur de l'homme, puisque c'est de lui que nous naissons ». J'ai cité alors pour la deuxième fois les paroles. de notre adversaire : « Le péché, qu'il soit contracté d'une manière ou d'une autre, est l'oeuvre du démon : de même aussi l'homme, qu'il naisse d'une manière ou d'une autre, est l'oeuvre de Dieu ». Et je me suis élevé aussitôt contre ce langage, en ces termes : « Quand je pense à ces paroles que la crainte met sur tes lèvres, et par lesquelles tu déclares que les noces ne sont pas une chose mauvaise, je ne puis sans rire porter de nouveau ma pensée sur tes autres discours précédents. Si tu crois que les hommes sont formés par Dieu et que les époux sont innocents, vois combien il est impossible de soutenir que ceux-ci transmettent un péché originel. Il est certain que le péché n'est commis ni par celui qui naît, ni par celui qui a engendré, ni par celui qui a créé : par quelle ouverture supposes-tu que le péché a pu pénétrer dans des âmes dont l'innocence est ainsi protégée ? »
Aug. J'ai fait à ce passage une réponse qui suffit pleinement, comme si j'avais lu ton ouvrage lui-même avant de faire cette réponse[^1], Toutefois, ici encore je ferai observer que l'on doit écouter l'Apôtre plutôt que toi; l'Apôtre, dis-je, qui nous a montré, non pas l'ouverture secrète, mais la porte visible à tous les peux par laquelle « le péché est entré dans le monde et par le péché la mort ; et ainsi la mort a passé dans tous les hommes par celui en qui tous ont péché[^2] » ; quand tu auras commencé à interpréter ces paroles, non pas dans le sens de l'Apôtre, mais dans un sans conforme à votre doctrine, on verra combien est facilement saisissable l'expression de la vérité contre laquelle tu diriges les traits impuissants de ton verbiage tortueux.
Ci-devant, contre Julien, liv. III, n. 54-57.
Rom. V, 12 .
