57.
Jul. Il demeure établi d'une manière irréfutable, que saint Paul attribue expressément, non pas au sang, mais à la conduite personnelle de chacun , la transmission de ce péché à la postérité. Considère donc combien ces paroles, échappées de tes lèvres, sont contraires à la vérité : « Mais l'Apôtre a dit que le péché est entré par un seul homme, c'est-à-dire, par celui à qui remontent toutes les générations humaines, afin précisément de nous apprendre que le péché originel a passé par tous les hommes qui ont été engendrés[^1] » ; tandis que l'Apôtre a dit: « Par un seul homme », afin précisément qu'on ne crût pas que le péché originel avait passé par tous les hommes. Ton langage est tellement absurde que j'ai peine à ne' pas éclater de rire, quand tu dis que la génération remonte primitivement à un seul homme; car la diversité des sexes et les livres saints attestent que l'acte de la génération n'aurait pu s'accomplir sans le concours de deux personnes déjà existantes, en d'autres termes, sans le concours d'un homme et d'une femme.
Aug. Que ceux qui lisent ce passage de ton livre, lisent une seconde fois la réponse que j'y ai faite précédemment ; ou, s'ils ont conservé parfaitement le souvenir de cette réponse, qu'ils rient à leur aise des sottises que tu débites ici. Je pourrais dire cependant que, si l'Apôtre a joint au nom générique de celui par qui le péché est entré dans le monde, les mots « un seul », et non pas le mot deux, c'est parce qu'il est écrit : « Ils seront deux dans une seule chair[^2] » ; de là cette parole du Seigneur : « Ainsi , ils ne sont plus deux, mais une seule chair[^3] » ; surtout quand l'homme s'unit à la femme et qu'ils accomplissent le devoir conjugal. De cette union naissent des enfants qui contractent le péché, originel, parce que le vice engendre le vice en même temps que Dieu crée la nature : quoique les époux fassent un usage honnête d'une passion vicieuse en elle-même, ils ne sauraient cependant engendrer cette nature de telle sorte qu'elle puisse être exempte de vice; C'est précisément cette souillure qui est effacée dans les enfants, même malgré Julien, par celui qui est né sans en avoir lui-même subi les atteintes.
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Des Noces et de la Conc., liv. II, n. 45.
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Gen. II, 24.
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Matt. XIX, 6.