85.
Jul. Mais voyons la suite de tes paroles. Après avoir dit : « Adam n'est pas la figure du Christ sous tous les rapports absolument », tu ajoutes : « De là ces paroles qui suivent dans le texte de l'Apôtre : Mais il n'en est pas du don comme du péché. Car si une multitude d'hommes sont morts à cause du péché d'un seul, la miséricorde et le don de Dieu se sont répandus d'une manière bien plus abondante sur une multitude d'autres hommes, par la grâce d'un seul homme, Jésus-Christ[^1] ». Voici comment tu expliques ces paroles de saint Paul : « Qu'est-ce à dire : Se sont répandus d'une manière bien plus abondante ? L'Apôtre s'exprime ainsi, parce que tous ceux qui sont délivrés par Jésus-Christ, subissent à cause d'Adam une mort temporaire, mais ils vivront éternellement à cause de Jésus-Christ[^2] ». L'Apôtre, dont la doctrine fait l'objet de ce débat, a certainement déclaré que la grâce du Sauveur agit d'une manière plus puissante et plus efficace pour nous conférer le salut, que le péché d'Adam pour nous le faire perdre; il a montré ainsi que le Christ, dont la grâce (pour me servir de son expression) s'est répandue abondamment sur plusieurs n, a mérité à l'humanité des biens beaucoup plus précieux et auxquels un plus grand nombre d'hommes ont participé, si l’on compare ces biens aux maux qui sont la suite de la prévarication du premier homme, lequel, suivant toi, a corrompu les sources mêmes de la vie.
Aug. Saint Paul a dit: « La grâce s'est répandue d'une manière beaucoup plus abondante » ; il n'a point dit: S'est répandue sur une plus grande multitude, sur le plus grand nombre. Qui ne voit en effet que le plus grand nombre des hommes n'ont point eu de part à l'abondance de cette grâce ; et que le sort de ceux-là montre bien quelle devrait être, en rigueur de justice, la destinée réservée à la masse tout entière, si l'Esprit ne soufflait où il veut, si Dieu n'appelait ceux à qui il daigne accorder cette faveur, et s'il n'inspirait des sentiments de piété à ceux à qui il lui plaît[^3]?
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Rom. V, 12, 13, 15.
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Des Noces et de la Conc., liv. II, n. 46.
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Ambr. Liv. VII sur saint Luc, IX.