107.
Jul. Qu'avons-nous donc établi dans cette discussion? Que ta doctrine et la doctrine de l'Apôtre se contredisent réciproquement. Suivant l'Apôtre, une multitude de péchés sont effacés par le bienfait de la grâce: toi au contraire tu enseignes qu'un seul péché naturel, appelé par toi la loi du péché, est pour tous les hommes une source de désirs coupables. Ainsi, il est manifeste que tu accuses la nature qui est l'oeuvre de Dieu, tandis que saint Paul accuse la volonté. D'autre part, il a été tout à fait impossible à saint Paul de s'exprimer en des termes différents de ceux qu'il a employés, quand il a dit que la sentence de condamnation peut être prononcée par suite d'un péché unique car, par son péché unique, le premier homme a donné l'exemple de l'iniquité; et de même qu'une seule prévarication a été pleinement suffisante pour faire prononcer la condamnation d'Adam, de même aussi une seule faute peut suffire pour rendre coupables les autres hommes. De là ces paroles de l'Ecclésiaste : « Celui qui pèche en un seul point, perd une multitude de biens[^1] »; et ces autres de saint Jacques : « Si après avoir observé toute la loi, tu la violes en un seul point, tu deviens coupable comme si tu l'avais violée tout entière[^2] ».
Aug. Le péché d'Adam n'a donc été nuisible qu'à lui-même, et non pas à tout le genre humain. Car, tu ne pousseras pas l'absurdité jusqu'à prétendre que ce péché a été ou est encore nuisible à des hommes qui ne savent pas ou qui ne croient pas qu'il a existé et qu'il a produit de semblables effets : quoique les hommes imitent parfois ce qu'ils ignorent, tu parlerais d'une manière trop insensée, en déclarant qu'ils sont flétris et souillés par un péché commis, à leur insu, depuis des milliers d'années, si tu ne reconnaissais que ce péché a été transmis à toutes les générations. D'ailleurs, si Pélage n'avait pas condamné ceux qui prétendent que le péché d'Adam a été nuisible à lui seul, et non pas à tout le genre humain, il aurait été condamné lui-même par des juges qui assurément ne sont point Manichéens.
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Eccl. IX, 18.
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Jacq. II, 10.