24.
Jul. Voici quel a toujours été entre les Manichéens et les catholiques le grand différend, une sorte de limite très-large séparant la doctrine des hommes religieux de celle des hommes impies; ou plutôt, voici quel a toujours été l'abîme immense séparant nos pensées de leurs pensées comme le ciel est séparé de la terre : c'est que, suivant nous, tout péché vient d'une volonté mauvaise, tandis que, suivant eux, tout péché vient de la nature mauvaise; ils enseignent encore plusieurs autres erreurs, mais ces erreurs découlent pour ainsi dire de cette source première, et c'est par la force même de la logique qu'ils arrivent à ces conséquences sacrilèges et infâmes ; de même que les catholiques, prenant pour point de départ un principe excellent, arrivent directement et par des progrès continus dans la bonne voie à la perfection de la vérité religieuse, qui est protégée par la raison et par la piété comme une forteresse inexpugnable. Ainsi, quand tu as essayé, dans un but hostile à la religion, mais aussi par des efforts impuissants, d'établir l'existence du mal naturel, tu as invoqué le témoignage d'un Apôtre qui n'a jamais eu les sentiments que tu essaies de lui prêter ; et je prouve qu'il n'a jamais eu ces sentiments par un argument qui me dis. pense de tout autre : c'est que tu te contredis toi-même en confessant, d'une part, que cet Apôtre est catholique, et en cherchant, d'autre part, dans ses paroles un appui à la cause du manichéisme.
Aug. Ces docteurs catholiques, dont tu prétends que les paroles sont un appui pour le manichéisme, ont conclu des paroles de l'Apôtre que les enfants contractent le péché originel ; et au lieu de vanter comme vous, d'une manière insensée, l'intégrité prétendue de la nature, ils ont employé au contraire les remède du christianisme pour la guérir; si tu réfléchissais à cela avec un coeur chrétien, tu rougirais, tu serais saisi de frayeur, tu garderais le silence.