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Jul. ... Mais qu'il les fait passer d'une condition bonne à une condition meilleure; qu'il élève à un degré égal de sainteté tous ceux à qui il communique ses dons, mais qu'il ne les surprend pas tous dans la fange des mêmes vices; qu'il trouve au contraire les uns dans un état d'innocence et les autres dans un état d'asservissement à des passions coupables. Ainsi, parce que nous enseignons une doctrine qui est appuyée sur les principes de la vraie foi, sur l'autorité de la raison, et qui est partagée par toutes les intelligences pieuses; une doctrine qui exalte justement le mérite de la grâce de Jésus-Christ et qui n'attribue à Dieu aucune injustice; tu prétends, toi, que la dignité du sacrement est compromise et, par une subtilité dont la finesse ne peut être comparée qu’au pilon d'un mortier, que le prix de la grâce n'est plus qu'un vain mot, si l'on n'attribue à cette grâce le privilège odieux d'imputer à des innocents un péché dont ils ne sont point les auteurs; le privilège de renverser les principes de la justice et de rendre ceux qui n'ont pas encore l'usage de la raison responsables d'une faute qui a été commise sciemment par d'autres ; tu déclares enfin que la grâce ne saurait produire aucun effet, si l'on n'enseigne qu'elle agit d'une manière uniforme dans tous les hommes.
Aug. Comment as-tu cru devoir comparer au pilon d'un mortier, cet argument subtil qui n'est pas de moi, mais de tous les controversistes catholiques, avec lesquels je soutiens une doctrine dont vous vous efforcez vainement d'ébranler la certitude inattaquable ? Est-ce parce que tu as commencé à sentir que cette subtilité vous broie vous-mêmes comme une matière sans consistance ? Et cependant, toi qui, sous prétexte de défendre la justice de Dieu, cherches en réalité à détruire la croyance universelle de l'Eglise de Jésus-Christ touchant la damnation des enfants qui n'ont pas été régénérés; tu ne diras jamais comment il peut être juste qu'un joug accablant pèse sur les enfants, s'ils n'ont point contracté le péché originel. Et tu ne remarques pas que c'est vous-mêmes au contraire qui renversez les principes de la justice, ou plutôt qui détruisez la notion même de la justice du Dieu tout-puissant, quand vous enseignez que, par la volonté ou avec la permission divine, ce châtiment est infligé , sans aucun mérite de leur part et dès le jour de leur naissance, à un nombre incalculable d'hommes de toute sorte, c'est-à-dire, à autant d'images de Dieu. Enfin, tu ne diras jamais comment il peut être conforme à la justice, que des enfants exempts de toute faute personnelle, souvent même de toute flétrissure héréditaire , mais frappés par la mort avant d'avoir reçu le baptême, soient séparés de leurs parents et de leurs proches fidèles; ne soient point admis dans le royaume de Dieu; et, sans avoir mérité aucun châtiment, soient comptés, non point parmi les vases d'honneur, comme les autres enfants baptisés, mais parmi les vases d'ignominie (car il n'y a pas une troisième sorte de vases). Il répugne en effet à votre sagesse hérétique, d'admettre cette doctrine qui est celle des docteurs catholiques; tous les hommes ont été d'abord condamnés pour le fait d'un seul; mais les uns deviennent ensuite l'objet d'une indulgence miséricordieuse, tandis que la justice exerce sur les autres la rigueur de ses droits ; et cela, parce que tes voies du Seigneur sont impénétrables, en même temps qu'elles sont toutes miséricorde et vérité[^1].
- Ps. XXIV, 10.