216.
Jul. Si l'Apôtre s'était exprimé en ces termes, l'impiété et l'absurdité de son langage seraient également manifestes : en établissant cette comparaison entre deux personnes d'un caractère opposé, il aurait fait acte d'ineptie grossière, puisqu'il aurait comparé des objets n'ayant entre eux aucune ressemblance, savoir la nature et la volonté : dû côté du mal, il aurait placé une nécessité inhérente au sang; du côté du bien, la liberté seule, de la volonté; ou plutôt, non pas même cette liberté, puisque si l'homme était coupable naturellement, il ne posséderait plus la faculté de choisir le bien et d'éviter le mal. Ainsi, l'Apôtre, ce docteur de l'Eglise également sage et éclairé, enseigne que le péché a existé et qu'il a été transmis par un acte de désobéissance; il enseigne que la justice se multiplie également par voie d'imitation.
Aug. Qu'est devenue cette maxime écrite par toi précédemment, savoir, que la mort seule, et non pas le péché, a été transmise[^1] ? Tu déclares maintenant que le péché a non-seulement existé, mais qu'il a été transmis par un acte de désobéissance, accompli par cet homme unique dont l'Apôtre a rappelé le nom. Aurais-tu par hasard oublié ce que tu as écrit précédemment? On doit alors te féliciter d'un oubli par suite duquel tu es obligé de parler le langage de la vérité. Il te semble que, si l'on peut établir une comparaison entre deux objets d'un caractère opposé, on ne doit point placer d'un côté une nécessité inhérente au sang, et de l'autre côté des actes volontaires ; mais tu trouverais que ce langage est grossièrement inepte, si tu comprenais que ceux qui sont placés avec le premier homme du côté du mal, ont contracté la souillure du péché par le fait seul de leur génération, et indépendamment de tout acte de leur propre volonté; de la même manière que les enfants placés avec le second homme participent à la justice, indépendamment de tout acte de leur volonté personnelle, et par le fait seul qu'ils ont reçu la paix dans le sacrement de la régénération. Au reste, si tu veux absolument que l'on compare une semence à une autre semence : de même qu'Adam a imprimé une flétrissure au sang humain, de même aussi Jésus-Christ fait produire des fruits merveilleux à la semence spirituelle. L'apôtre saint Jean nous a révélé l'existence de cette dernière, quand il a dit : « Et (celui qui est né de Dieu) ne saurait commettre le péché, parce que la semence de Dieu demeure en lui[^2] ». La vérité de cette maxime se manifestera plutôt dans le siècle futur, où les bons seuls seront admis et où ils n'auront plus le pouvoir de commettre le péché; car, dans ce siècle pervers, ceux mêmes qui appartiennent déjà au siècle futur, où le péché ne subsistera plus, ont encore sujet d'implorer chaque jour pour leurs péchés la miséricorde du Père.
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Ci-dessus, ch. LXIII, LXIV, CXCVI.
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I Jean, III, 9.