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Jul. Afin de ne point paraître commander aux hommes des choses difficiles et impraticables, il emprunte une expression au langage familier et il déclare que ses préceptes sont « humains », c'est-à-dire faciles, praticables; puis il fait ressortir la douceur de la loi qu'il prêche, par une comparaison. Je ne vous demande pas, dit-il, de répondre par l'intensité de vos efforts à la sublimité incomparable de votre vocation; les préceptes que je vous impose ne sont pas aussi extraordinaires que les biens promis comme récompense à la vertu, et dont la possession vous est assurée, si vous observez ces préceptes : je ne vous apporte point une loi barbare, je ne vous présente pas un joug qui soit à peine supportable; si, à raison du prix incomparable de la justice, je vous commandais quelque chose de semblable, vous me répondriez par des plaintes amères au sujet de la faiblesse de la chair; vous chercheriez une excuse dans l'impossibilité où vous seriez de supporter une fatigue accablante et continuelle. Je m'adresse donc à vous d'un ton plus modéré, et je vous demande de vous appliquer à la pratique de la vertu avec une ardeur égale à celle avec laquelle vous avez précédemment commis le péché : à la vérité, une chose honnête de sa nature se trouve nécessairement avilie, quand, dans les efforts que nous faisons pour nous la procurer, nous cédons à un désir semblable à celui qui nous inspirait, lorsque nous nous portions avec frénésie vers des choses déshonnêtes; cependant, il suffit pour l'observation de la loi qui vous est imposée, il suffit, dis-je, que vous vous appliquiez à la pratique de la justice, avec une ardeur égale à celle avec laquelle vous vous êtes appliqués à commettre l'iniquité et à jouir des plaisirs infâmes.
Aug. Ils ne pourront cependant pratiquer la justice de cette manière, à moins que, aidés du secours tout-puissant de la charité, ils ne luttent contre cette cliente qui est pour toi d'une beauté ravissante, je veux dire, contre la concupiscence de la chair : tous les hommes sont assujettis, en naissant, à cette loi des membres qui doit résister plus tard à la loi de l'esprit ; la souillure qu'elle imprime subsiste jusqu'au moment où nous sommes régénérés ; enfin les mortels ne sauraient, par leur propre esprit, triompher de cette loi de la chair; il faut pour cela qu'ils soient conduits par l'Esprit de Dieu : « Car tous ceux qui sont conduits par l'Esprit de Dieu sont enfants de Dieu[^1] ». Allez maintenant, et, sous prétexte d'exalter le libre arbitre au détriment de ce dogme chrétien enseigné par les Apôtres, abandonnez-le à son impuissance réelle; vous-mêmes enfin, mettez votre confiance dans vos propres forces, non pas pour vous élever, mais pour faire les plus déplorables chutes.
- Rom. VIII , 14.