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Jul. Conséquemment, si Dieu n'est contraint à transgresser sa propre loi, ni par une nécessité déplorable, ni par une impuissance personnelle, ni par une inclination irrésistible ; comment peut-il se faire que, dans ses jugements, il renverse les règles d'équité dont il a ordonné l'observation par un précepte formel ? ou plutôt qu'il blesse, non pas précisément cette équité, ruais- le respect qui lui est dû à lui-même? Telle est, en effet, la puissance de la justice , qu'elle confond ceux qui enfreignent ses règles, et que sa force n'est pas amoindrie, quelle que soit l'autorité de ceux par qui elle est abandonnée. Enfin, s'il veut que nous observions les règles de la justice, et qu'il agisse lui-même d'une manière injuste , il souhaite donc que notre justice paraisse plus parfaite que la sienne propre ; ou plutôt, non pas que notre justice paraisse plus parfaite, mais que notre justice et sa propre injustice soient également manifestes.
Aug. Que signifie ce langage, ô homme dont la raison est complètement égarée ? Autant la justice divine est élevée au-dessus de la justice humaine, autant les voies de la première sont impénétrables et ses règles tout à fait différentes des règles qui doivent diriger la seconde. Quel homme juste, en effet, laisse commettre un crime dont il a le pouvoir d'empêcher l'accomplissement ? Et cependant, Dieu laisse commettre des crimes qu'il pourrait empêcher, quoiqu'il soit incomparablement plus juste que tous les justes, et que sa puissance soit incomparablement plus grande que toute autre puissance. Considère attentivement ces principes , et cesse de comparer les actes de la justice divine aux actes de la justice humaine ; car on ne saurait douter que Dieu soit juste, lors même qu'il agit d'une, manière qui paraît injuste aux yeux des hommes, et que ceux-ci ne pourraient imiter sans se rendre coupables d'une injustice réelle.