55.
Jul. Ainsi, la nature a voulu que la raison. et la foi nous tissent un devoir de parler avec respect de certaines choses, et que cependant le sentiment de la pudeur et de la décence nous obligeât à dérober ces mêmes choses aux regards des hommes. Voilà pourquoi le Maître des Gentils, en même temps qu'il attribue à l'esprit de Jésus-Christ la sainteté, déclare que la chair de celui-ci est une chair véritable : « Il est grand », dit-il, « ce mystère d'amour, qui s'est fait voir dans la chair, qui a été justifié par l'esprit, qui s'est manifesté aux anges, qui a été prêché aux nations, cru dans le monde, reçu dans la gloire ». Et après avoir établi la nécessité de croire à la vérité de ces maximes, il dénonce d'avance ceux qui doivent s'élever contre elles à la fin des siècles ; car il ajoute aussitôt : « Dans les derniers temps, quelques-uns abandonneront la foi, en suivant des esprits séducteurs et en s'attachant à des doctrines diaboliques enseignées par des imposteurs et des hypocrites, dont la conscience sera noircie de crimes et qui interdiront le mariage et l'usage des viandes que Dieu a créées pour être reçues avec action de grâces par les fidèles et par ceux qui connaissent la vérité ; car tout ce que Dieu a créé est bon[^1] ». Ainsi, cette doctrine abominable dont tu infectes les Eglises et que tu as puisée toi-même à l'école de Manès; ce renoncement sacrilège à la vraie foi , cette apostasie véritable qui consiste à enseigner l'existence du mal naturel et à condamner l'union conjugale, saint Paul a tout prévu et tout stigmatisé; il a prévu et stigmatisé non seulement les maximes qui seraient enseignées explicitement, mais les conséquences mêmes qui découleraient de ces maximes.
Aug. Et cependant, toi dont la bouche n'est habituée qu'à vomir des injures et des calomnies, tu n'as pas osé contredire les maximes d'un docteur catholique, d'un homme de Dieu, qu'il ne t'est pas possible de qualifier du nom de manichéen, malgré tout ce qu'il y a pour toi' d'accablant et d'irrésistible dans ses paroles : « Personne », dit Ambroise, « ne saurait être exempt de péché, dès qu'il naît de l'union de l'homme et de la femme[^2] ». J'avais d'abord cité ces paroles dans mon premier livre à Valère et, dans les quatre livres par lesquels tu as essayé de me réfuter, tu as craint même d'y faire allusion : je les ai citées de nouveau dans celui auquel tu réponds maintenant[^3], et ici encore tu t'es renfermé dans un mutisme absolu à l'égard de ces paroles, quoique tu ne craignes pas de faire usage de mon nom pour adresser à ce grand évêque les outrages que tu n'oses lui adresser ouvertement.
-
I Tim. III, 16; IV, 1-1.
-
Sur Isaïe.
-
Du Mariage et de la Conc., liv. I, n. 40, et liv. II, n. 14, 15.