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Works Augustine of Hippo (354-430) Contra secundam Iuliani responsionem imperfectum Contre la seconde réponse de Julien
LIVRE CINQUIÈME. LE CINQUIÈME LIVRE DE JULIEN.

1.

Julien. L'expérience de tous les siècles nous apprend que, dans les circonstances critiques, il se rencontre peu d'hommes en qui on trouve cette chose presque sainte qu'on appelle un jugement ferme et incorruptible: peu d'hommes qui, par leur zèle pour la science et parleur amour pour la vertu, soient capables de découvrir la vérité ou assez courageux pour la défendre après l'avoir découverte; peu d'hommes enfin qui aient » , comme parle l'Apôtre, « un esprit exercé au discernement du bien et du mal[^1] » ; et qui, bien loin de se laisser abattre par aucun genre d'adversités, sachent pratiquer le précepte du même Apôtre nous ordonnant de résister jusqu'au sang pour combattre le péché[^2]. Ces hommes sages et éclairés, si peu nombreux en comparaison de la foule des sots et des stupides, s'appliquent avec une ardeur égale à acquérir la science et la force d'âme. Il est impossible, en effet, de séparer ces deux choses sans qu'elles deviennent respectivement ou stériles ou répréhensibles moralement: la force, car n'étant pas guidée par la science et employée à des oeuvres bonnes en soi, elle devient par là même une folie tout à fait digne de mépris ; la connaissance approfondie des lois de la justice, car elle ne trouve pas un contre-poids et comme un frein dans une grande force d'âme, elle ne sera pas autre chose qu'un moyen de se livrer plus facilement au vol et à la rapine; elle ne servira qu'à rendre ses adeptes et plus coupables et plus malheureux. Ce sont là deux roues d'un même char, sans lesquelles il est impossible de triompher des erreurs du monde; mais que, à toutes les époques, très-peu d'hommes ont su rapprocher, réunir et diriger : car l'aversion pour le travail et la multiplicité des soins temporels sont deux obstacles qui empêchent de cultiver la science avec l'assiduité nécessaire; et la crainte des vexations et des poursuites justes des méchants paralyse trop souvent les forces de la volonté, Sans doute les âmes fidèles et sages triomphent de tous ces genres d'obstacles ; mais ces âmes sont si rares que, vivant au milieu de peuples d'insensés, elles sont regardées comme des victimes de la folie précisément parce qu'elles ne sont pas en proie à la fureur générale.

Augustin. Ce petit nombre d'hommes en qui, ainsi que tu le déclares toi-même, la science et la force d'âme de trouvent réunies, ne suffit-il pas pour comprendre ce que tu dois penser du genre humain et de cette masse tout entière d'êtres raisonnables et mortels ? Pourquoi l'universalité, ou du moins l'immense majorité des hommes n'est-elle point portée par une inclination naturelle à cultiver la science avec ardeur et à donner des preuves d'une force d'âme invincible ? Pourquoi devons-nous considérer comme des exceptions phénoménales ceux que nous voyons parfois s'écarter de cette loi et contredire ce penchant de leur nature? Pourquoi sont-ils au contraire entraînés, comme par une pente rapide et irrésistible, vers le gouffre de la paresse, mère de l'ignorance et de tous les vices ? — Les hommes, diras-tu, ignorent ce qu'ils devraient savoir parce qu'ils fuient le travail ; mais dis-moi donc aussi, je te prie, pourquoi l'homme, créé dans une condition si excellemment bonne, éprouve tant de peine et de fatigues pour apprendre les choses dont la connaissance lui est utile et salutaire, et pourquoi, au lieu de se livrer avec ardeur au travail, il préfère se reposer avec complaisance, mollement, dans les ténèbres de l'ignorance. Car la rareté même de cette vivacité d'esprit et cet amour de l'étude qui sont comme les deux ailes sans lesquelles, il est impossible de s'élever à la connaissance des choses humaines et divines, non moins que la multitude incomparablement plus grande des esprits lourds et paresseux, montrent suffisamment de quel côté se trouve entraînée par son propre poids cette nature que vous niez avoir été dégradée et flétrie. Vous ne songez pas non plus quelles connaissances sublimes la foi chrétienne attribue au premier homme au moment où, à peine sorti des mains du Créateur, il impose un nom à chaque espèce d'animaux[^3] : les auteurs profanes eux-mêmes ont considéré cet acte comme l'indice non équivoque d'une sagesse consommée. Pythagore, proclamé à bon droit le père de la philosophie, enseignait en effet que celui-là fut le plus sage de tous les hommes, qui le premier donna aux choses leur nom propre : tel est du moins l'enseignement que la tradition lui attribue. Mais alors même que l'Écriture n'aurait point rapporté cette circonstance de la vie d'Adam, nous n'aurions pas moins le droit de conjecturer combien devait être encore parfait l'état dans lequel fut créée la nature de l’homme, en qui il n’existait absolument aucun vice . Et cependant quel est celui dont l'esprit est assez lourd pour ne pas comprendre que la vivacité ou la lourdeur de l'esprit fait partie de la nature, ou pour ne pas considérer comme des vices de l'esprit la lenteur de la mémoire ou de l'intelligence Qui, parmi les chrétiens, a jamais douté que, dans ce siècle où l'erreur et les soucis cuisants se disputent la vie de l'homme comme une proie, ceux-là mêmes qui paraissent le plus heureusement doués sous le rapport des facultés de l'esprit, mais dont les âmes sont appesanties par des corps assujettis à la corruption, ne soient, sous le rapport de l'élévation et de la vivacité de l'intelligence, beaucoup plus inférieurs au premier homme que les tortues ne sont inférieures aux oiseaux sous le rapport de la vitesse ? Telles seraient donc les facultés sublimes dont seraient doués les heureux habitants du paradis, si personne n'avait commis le péché ; car Dieu devait former du sang des parents des hommes semblables à celui qu'il avait formé sans le concours d'aucun parent, c'est-à-dire ayant avec lui-même une ressemblance réelle. Alors, en effet, l'homme n'était pas encore devenu semblable à la vanité et ses jours ne passaient point comme un ombre dans ce siècle rempli de calamités et de souffrances de toute sorte. Si cet heureux état persévérait, est-ce que tu serais réduit à commencer ce livre par les plaintes que nous venons d'entendre ? Est-ce qu'il serait tellement difficile d'acquérir la science, que certains hommes préféreraient demeurer ignorants que d'affronter ce travail ? Est-ce que nous aurions besoin de cette force d'âme que tu déclares se rencontrer dans un nombre d'hommes infiniment petit, si nous n'avions aucun combat à soutenir courageusement pour la défense de la vérité? En présence donc de cette transformation également déplorable et incontestable, tu ne peux nier que notre nature ait été viciée, sans autoriser par là même les Manichéens à introduire cette nature étrangère qu'ils prétendent avoir été mêlée à la nôtre; et tu te fais ainsi l'auxiliaire inconscient de ceux que tu prétends combattre avec une ardeur qui n'a d'égale que ton ignorance. [^4]

  1. Hébr. V, 14.

  2. Ibid. XII, 4.

  3. Gen. II,19.

  4. Ps. CXLIII, 4.

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Contre la seconde réponse de Julien

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