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Julien. Car ce néant, de quoi tout a été fait, tu affirmes qu'il a été la cause du péché. Donc la puissance de ce néant est pour toi ce qu'est, pour le Manichéen, la puissance du prince des ténèbres. Tous deux donc vous professez la nécessité du premier péché ; mais lui en donne une cause palpable, quoique mauvaise, toi, une cause impalpable, mais également mauvaise. Pour lui, il accuse la violence dans la substance, toi, la violence aussi, mais dans le néant. Vois donc où conduit ton syllogisme : Le néant, quand rien encore n'était créé, était l'indice du vide éternel , mais ce néant ou ce vide a pris fin quand les créatures ont surgi ; car le néant a cessé d'être quand quelque chose a commencé. Donc ce néant, même quand il régnait, n'était point; car l'intelligence nous dit que le néant régnait quand quelque chose n'existait point encore. Mais quand quelque chose a été fait, cet ;indice du vide ou ce néant, parce qu'il n'avait jamais eu de substance, perdit jusqu'à sa dénomination, et alors il arriva que ce qui n'avait jamais existé en réalité n'eut plus même un nom. C'est donc par la violence de ce néant que, selon ta doctrine, le mal est entré chez l'ange et chez l'homme; comment pousser plus loin le délire ?
Augustin. Toi, ton délire est plutôt d'outrager. Pour moi, je n'ai attribué au néant aucune violence; car il n'est point quelque chose,et dès lors ne peut être violent. Ni l'ange ni l'homme n'ont subi, en péchant, aucune violence; ils n'eussent point péché s'ils n'eussent voulu pécher, et ils pouvaient ne pas le vouloir ; mais cette puissance du péché n'eût pas été en eux, s'ils eussent été de la nature de Dieu.