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Julien. De même. donc qu'on ne saurait m'attribuer comme possible ce qui vient de la nécessité, de même on ne saurait attribuer au nécessaire ce qui vient du possible. C'est-à-dire, de même qu'on ne saurait regarder comme oeuvre de ma volonté la nature de mon corps et de mon âme, de manière à établir que je suis parce que je l'ai voulu, quand je ne pouvais vouloir avant d'être; de même on ne saurait attribuer à la nature le mal de là volonté, de manière à colorer de nécessité des oeuvres possibles.
Augustin. Ce qui est possible et ne vient point de la nécessité, se distingue nettement et clairement de ce qui est nécessaire ; tu appelles cela. possible,, comme si un acte non-seulement possible mais nécessaire, était impossible. Mais comme il te plaît d'imposer de tels noms à ces deux sortes d'actes, comprenons comme nous pourrons, et passons. Mais, viens-tu nous dire : « On ne saurait attribuer à la nature le mal de la volonté ». N'est-ce pas la nature qui veut quelque chose quand l'homme ou l'ange le veut ? L'ange et l'homme ne.seraient-ils point des natures? Qui oserait le dire? Si donc l'ange et l'homme sont des natures, assurément c'est la nature qui veut quand l'ange veut, la nature qui veut quand l'homme veut. Comment donc ne pas attribuer à la nature le mal de la volonté,.puisqu'il n'y a que la nature qui puisse vouloir une chose? Ou faudra-t-il ne pas imputer à l'homme le péché de sa volonté, puisque l'homme est nature et qu'il ne faut pas, selon toi, appliquer à la nature le mal de la volonté? Ou bien pousseras-tu la légèreté jusqu'à dire qu'il faut imputer à la nature ce qu'on ne saurait lui appliquer? Comment dire, en effet, que l'on n'impute point à la nature ce que l'on impute à l'homme, à moins d'être fou jusqu'à nier que l'homme soit nature ? Vois-tu que c'est. beaucoup parler sans savoir ce que tu dis? Si donc tu nous dis: La volonté ne saurait s'appliquer à la nécessité, cela n'est pas toujours vrai, puisque souvent nous voulons ce qui est nécessaire : ainsi il est nécessaire que ceux qui persévèrent à bien vivre soient bienheureux; quelquefois aussi il est nécessaire pour nous de vouloir quelque chose; ainsi c'est une nécessité que nous cherchions le bonheur : d'où il suit qu'il y a aussi une heureuse nécessité, comme il est nécessaire pour Dieu de jouir toujours et immuablement du bonheur. Mais comme il y a des nécessités tellement contraires à nos volontés, que souvent il y a nécessité quand il n'y a pas volonté, et volonté quand il n'y a pas nécessité, il est vrai, du moins en partie, de dire : La volonté ne saurait s'appliquer à la nécessité. Mars pour celui qui me dit : On ne saurait appliquer à la nature une mauvaise volonté, qu'il nous montre, s'il le peut, une volonté, soit bonne, soit mauvaise, où il n'y a pas de nature, ou bien que l'on puisse trouver s'il n'y a d'abord une nature pour vouloir quelque chose. Considère dès lors combien tu es éloigné de la vérité. Tu dis : On ne saurait appliquer à la nature une volonté mauvaise ; et, la vérité te dit : « Tant qu'il y a volonté, on ne saurait la séparer de la nature[^1] ».
- Agatho pap. in Epist. ad imp.