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Œuvres Augustin d'Hippone (354-430) Contra secundam Iuliani responsionem imperfectum Contre la seconde réponse de Julien
LIVRE SIXIÈME. LE SIXIÈME LIVRE DE JULIEN.

15.

Julien. Mais sans trop presser la première partie de notre discussion, nous te laisserons suivre ton idée et prouver que la nature d'Adam fut bonne. Voici ta doctrine Dieu qui est juste n'imposerait point à l'homme la loi de l'obéissance, s'il le savait dans la nécessité de pécher ; car exiger la justice dans la volonté de celui que l'on sait être d'une nature mauvaise, ce n'est plus reprendre un coupable qui vient de pécher, mais se déclarer ennemi de la justice. Or, Dieu, qui est juste, a imposé à l'homme une loi, le menaçant du châtiment s'il venait à l'enfreindre. Il est donc constaté que l'homme, bon par sa nature, n'a pu pécher que par une volonté mauvaise : vois-tu combien est légitime la conclusion que je tire en ton nom ? C'est un glaive qui brille entre les mains des catholiques, portant la mort chez les Manichéens et chez les Traduciens. Mais si j'ai dit trop, c'est à cause de votre nom , et parce que je voulais en cette occasion mettre en évidence votre réponse. Cette réponse très-solide a donc ébranlé le Manichéen. Je continue ce raisonnement Augustinien avec les éloges qu'il mérite : et toutefois, remarque bien que sans le baume de ces louanges, c'est contre toi que s'aiguise le glaive. Répète-nous donc je t'en supplie, ce que tu as dis. Dieu, dis-tu, qui est juste, ne saurait imposer une loi à l'homme, si celui-ci était mauvais par nature; or Dieu qui est juste a imposé la loi ; il devient clair que l'homme pouvait accomplir le précepte de la suprême justice : far s'il n'eût eu la force d'obéir, jamais le maître n'eût eu raison de commander. Ingénieux raisonnement! C'est devant moi, c'est sous mes yeux, que mon adversaire s'appuie sur la justice du législateur pour proclamer la bonté de cette nature à laquelle on impose une loi. Et il ne voit pas qu'il détruit les Traduciens avant de faire au Manichéen la moindre blessure ? Pour te faire comprendre que tu es à demi mort quand je t'enlève tes armes ensanglantées, pour que des yeux mourants te portent la vérité victorieuse, c'est contre toi-même que je tournerai tes traits. Si Dieu, dans sa justice, n'a pu donner des lois à Adam, sans savoir qu'il pourrait observer ce qui est juste, librement et sans aucune pression du mal; sans aucun doute, dans les temps qui suivirent et avec le même poids de la justice, une loi consignée dans les saintes Ecritures, loi plus détaillée et plus répandue, plus remarquable par ses divergences, plus respectable par la surcharge des sanctions, n'eût pas été imposée à des hommes qui naissent ou faibles pour faire le bien, et impuissants pour la justice, ou bien coupables, c'est-à-dire méchants dès le sein de leur mère ; et alors des préceptes immodérés, des sanctions impuissantes, des jugements iniques, retomberaient en ignominie sur leur auteur. Cette seconde partie, nous pouvons donc l'éluder comme la première; c'est-à-dire que tu dois avouer ou bien que la justice de Dieu ne saurait imposer à des subordonnés que ce qu'il voit qu'ils peuvent accomplir ; et le Manichéen est confondu par le témoignage du premier commandement, comme le Manichéen et le Traducien le sont par le témoignage des lois données ensuite; ou bien, si l'impiété n'y prend garde, le Manichéen que vous n'avez pas touché le moins du monde, montrera au grand jour qu'il est votre père et qu'il n'a, de concert avec vous, d'autres adversaires que nous-mêmes.

Augustin. Ton discours, ou mieux ton babil, a prouvé ceci, que ta loi primitive qui a été donnée dans le paradis, est une preuve de cette nature bonne qui fut créée avec le libre arbitre; car sans libre arbitre, il serait souverainement injuste d'imposer des lois à l'homme. Aussi la loi qui fut donnée ensuite, nous dis-tu, loi largement promulguée dans les saintes Lettres, est-elle un témoignage de bonté dans cette nature issue de la parenté, également sans vice et avec le libre arbitre. Dans cette concession, tu parais faire une réticence, puisque tu raisonnes d'après toi-même ou d'après les hommes ; mais tu es peu soucieux de lire les saintes Ecritures, d'après lesquelles tu veux argumenter contre nous, ou si tu es soucieux de les lire, tu ne veux pas ou tu ne peux pas les comprendre; mais si tu viens à les comprendre dans nos disputes, garde-toi de ressembler à celui qu'a stigmatisé l'Ecriture en ces paroles : « L'esclave ne se corrigera point par des paroles ; comprendrait-il, qu'il n'obéirait point[^1] ». Et néanmoins ce coeur de pierre, qui n'obéit point aux divines paroles, même comprises, il pourrait te l'enlever s'il voulait, celui qui en fit la promesse à son peuple par l'organe du prophète Ezéchiel[^2].

Une loi fut donnée, dans le paradis, à l'homme qui avait été créé bon, afin de nous enseigner que l'obéissance est pour une créature raisonnable, sinon la seule, du moins la principale vertu. Mais par lui-même l'homme se fit méchant, en enfreignant cette loi. Et comme il avait pu par lui-même devenir vicieux et non se guérir ; cers ce même temps et dans ce même lieu, quand et où Dieu, dans sa sagesse, le jugea convenable, l'homme devenu méchant reçut ensuite une loi, non point qui lui fut un moyen de se corriger, mais qui lui fit comprendre que de lui-même il était dépravé et ne pouvait se redresser, pas même avec la loi qu'il avait reçue : de sorte que le péché, loin de cesser par la loi, mais multiplié par la prévarication, a terrassé, broyé l'orgueil humain, en faisant désirer à l'homme le secours de la grâce dans toute l'humilité de son coeur, et lui a rendu la vie de l'esprit, que la lettre avait tuée. « En effet, si la loi qui a été donnée pouvait nous donner la vie, il serait vrai de dire que la justice viendrait de la loi; mais l'Ecriture a tout renfermé sous le péché, afin que la foi en Jésus-Christ obtînt à ceux qui croiront l'objet de la promesse[^3]». Si tu connais les paroles de l'Apôtre, tu dois voir facilement ou ce que tu ne comprends point, ou ce que tu ne comprends que pour le négliger: Ce n'est donc point la loi consignée par Moïse dans les saintes Ecritures, qui est un témoignage d'une volonté libre; car s'il en était ainsi, il ne lui appartiendrait pas celui. qui dit : « Je ne fais pas le bien que je veux, mais je fais le mai que je hais[^4] » ; et vous soutenez, vous autres, qu'il était encore sous l'empire de la loi, et non sous l'empire de la grâce. Ni la loi nouvelle, à son tour, qui a été prêchée en Sion pour en sortir, comme la parole du Seigneur qui devait venir de Jérusalem[^5], et que l'on entend du saint Evangile; non, ni cette loi même n'est la preuve d'une volonté libre, mais bien plutôt d'une volonté qui sera libre. Car c'est là qu'il est écrit : « Si le Fils vous affranchit, vous serez vraiment libres[^6] ». Ce qui.est dit non-seulement pour les péchés passés, dont nous sommes délivrés par la rémission, mais aussi pour le secours de la grâce que nous recevons, afin de ne point pécher; c'est-à-dire que nous devenons libres, de manière que Dieu dirigeant nos voies, nous ne soyons point sous le joug de l'iniquité[^7] : c'est le sens de l'Oraison dominicale, où, non contents de dire: « Remettez-nous nos dettes », à cause des péchés que nous avons commis, nous ajoutons: « Ne nous induisez pas en tentation[^8] », en ce sens que nous ne fassions aucun mal. Delà cette parole de l'Apôtre : « Nous demandons à Dieu que vous ne fassiez aucun mal[^9]». Or si nous avions la force comme avant le péché, quand la nature Humaine n'était point pervertie, nous ne demanderions point cette force, nous la ferions paraître dans nos actes, Mais comme, après cette chute primitive et si grave qui nous a précipités dans les misères de cette mortalité, Dieu a voulu tout d'abord de notre part une lutte; comme c'est lui qui nous accorde la faveur d'être conduits par l'Esprit-Saint, de mortifier les oeuvres de la chair; comme c'est lui qui nous donne la victoire par Jésus-Christ Notre-Seigneur, pour nous faire ensuite régner en paix avec lui; assurément, sans le secours de Dieu, nul ne saurait combattre ses propres vices : peut-être serait-il vaincu par eux sans combat, ou dans la lutte entraîné par eux. C'est pourquoi, dans ce conflit, Dieu veut que nous luttions par la prière, beaucoup plus que par nos forces; car ces forces, quelque grandes que nous puissions les avoir ici-bas, nous viennent de Celui que nous invoquons dans le combat. Si donc ceux dont l'esprit déjà conspire contre la chair, ont besoin de la grâce de Dieu dans chacun de leurs actes, pour ne point succomber ; quelle pourra être la liberté de volonté chez ceux qui ne sont point délivrés de la puissance des ténèbres, ni du joug de l'iniquité, et qui n'ont pas même commencé à combattre ; ou, s'ils ont voulu combattre, sont vaincus parce que leur volonté n'est. pas affranchie de la servitude ?

  1. Prov. XXIX, 19.

  2. Ezéch. XI, 19, et XXXVI, 26.

  3. Galat. III, 21 et,22.

  4. Rom. VII, 15.

  5. Isaïe, II, 3.

  6. Jean, VIII, 36.

  7. Ps. CXVIII, 132.

  8. Matth. VI, 12, 13.

  9. I Cor. XIII, 7.

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Contre la seconde réponse de Julien

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