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Works Augustine of Hippo (354-430) Contra secundam Iuliani responsionem imperfectum Contre la seconde réponse de Julien
LIVRE SIXIÈME. LE SIXIÈME LIVRE DE JULIEN.

22.

Julien. Le temps m'avertit de passer à d'autres questions, et néanmoins l'indignation me fixe au même terrain. Oses-tu bien dire que Adam a péché volontairement? D'où t'est venu un semblable rêve? C'est qu'il serait injuste, dis-tu, que Dieu nous imputât une faute, s'il ne savait que nous avons pu librement nous en abstenir. Quoi donc? le prince des ténèbres, que vous adorez, lui avait momentanément confié cette justice, et quand il la redemande un peu après, il dépouille ce Dieu de toute équité, à ce point qu'après avoir tout d'abord compris qu'on ne doit imputer que la faute dont on est libre de s'abstenir, il voit dans tous les siècles qui suivent tous ceux qui naissent privés de la liberté de s'abstenir? Enfin comment sais-tu que la justice ne pouvait punir en Adam qu'un crime volontaire, si tu ne comprends aussi qu'il y a injustice à imputer à quelqu'un telle faute qui, d'après ton aveu, n'est point volontaire chez lui? Il te faut donc adopter comme juste la doctrine de transmission , et dire qu'il est convenable dans la pensée de Dieu, d'imputer au nouveau-né un péché qui n'est pas volontaire en lui ; et confesser qu'il est juste qu'il entre dans les desseins de Dieu d'imputer à Adam une faute qu'il savait bien n'être point volontaire en lui, mais qui était le fruit de sa substance imparfaite ; dès lors il n'y aura nulle transmission, nulle nature dépravée par des actes volontaires, mais seulement une nature vicieuse dès le commencement, et, de ton aveu, tu seras Manichéen. Ou si, revenant sur tes pas, tu vois une injustice à rejeter sur Adam les fautes de sa nature, il s'ensuit rigoureusement qu'il y a scélératesse à marquer du péché originel Abel, Enoch, Noé, et.tout le genre humain. Attribuer à ton Dieu un jugement si criminel, c'est le taire seul coupable pour -tous; et on verra clairement, comme toujours, qu'il n'est point ce même Dieu dont nous autres, catholiques, adorons dans sa Trinité la souveraine justice. Si tu ne veux point accuser Dieu, c'est que tu te relèveras pour condamner le dogme de cette branche manichéenne qui t'a percé de coups jusqu'alors.

Augustin. Ce qui vous jette dans l'erreur, ce qui fait de vous des hérétiques, ce qui vous fait ourdir de nouvelles machinations dans vos argumentations futiles et humaines, contre la foi catholique, qui se sépare des hérésies pour s'attacher aux saintes Écritures, et s'en faire une forteresse, c'est que vous ignorez, et comme vous ne sauriez le comprendre, vous refusez de croire quelle est la force des liens de parenté dans une série de générations, et parmi ces créatures que Dieu a voulu faire naître les unes des autres, selon leur espèce ; combien sont grands, combien sont au-dessus de toute expression, combien sont impénétrables pour les sens, et même au-dessus de toute pensée, les droits naturels de la génération 1 de là, dans le genre humain, ce sentiment qui veut connaître ses enfants avec le plus de certitude possible : c'est ce que nous donne chez les femmes chastes la scrupuleuse fidélité conjugale. De là vient qu'on a justement réprouvé Platon, qui a permis la promiscuité des femmes dans cette cité qu'il prétend nous donner comme la meilleure; et lui-même que voulait-il, sinon que les plus grands eussent pour les petits cet amour qu'il trouvait dans la nature à l'égard des enfants? car alors chacun se persuaderait que tel enfant de tel âge pourrait bien être son fils, et croire avec raison que c'est sa postérité, puisqu'il aurait usé indifféremment d'une femme in

connue. Et n'est-ce point la parole de tous les pères que Cicéron soufflait à son fils en lui écrivant: « Tu es le seul par qui je veuille être surpassé en toutes choses? » Ces mêmes droits naturels de la génération, qui sont, disons-nous, les plus mystérieux, et auxquels nous reconnaissons plus de force qu'on ne saurait le croire, n'ont-ils pas fait que deux jumeaux, qui non-seulement n'engendraient point encore, mais qui n'étaient point nés, qui étaient dans les entrailles maternelles, étaient appelés deux peuples[^1]? Ce sont encore ces droits de génération qui ont fait dire qu'Israël fut esclave en Egypte[^2], qu'Israël sortit de l'Egypte[^3], qu'Israël entra dans la terre promise, qu'Israël ressentit les biens et les maux dont Dieu gratifia ou châtia ce même peuple. C'est de lui encore qu'il est écrit : « Il viendra de Sion, celui qui doit enlever et détourner l'iniquité de Jacob; telle est la promesse que je leur ai faite, quand j'aurai effacé leurs péchés[^4] ». Et néanmoins le même homme qui avait seul et le premier reçu ces deux noms, était mort longtemps auparavant , et n'avait point vu ces calamités.

C'est en vertu de ces droits naturels de la parenté que ce peuple paya la dîme en Abraham, sans autre raison que d'être en ce patriarche qui payait la dîme volontairement[^5], tandis que ce peuple ne la paya point volontairement, mais seulement par droit de progéniture. Or, comment ce peuple pouvait-il être en Abraham , non-seulement depuis cette époque jusqu'à celle de l'Epître aux Hébreux, mais depuis cette Epître jusqu'aujourd'hui, et depuis aujourd'hui jusqu'à la fin des siècles, tant qu'il y aura des générations en Israël ; comment donc un seul homme pouvait - il renfermer tant d'autres hommes, qui pourra nous le dire, qui pourra même le concevoir par la pensée? La part matérielle d'un homme dans la naissance d'un autre homme est une quantité corporelle, et quelque légère qu'elle soit pour chaque naissance, néanmoins, si l'on rassemblait tout ce qu'il en a fallu pour mettre au monde ceux qui sont nés et qui naîtront jusqu'à la fin des siècles, on dépasserait de beaucoup les proportions du corps d'un homme. Il y a donc je ne sais quelle force invisible et impalpable, dans ces mystères de la nature où s'abritent les droits naturels de la génération : or, en vertu de cette force, on peut dire sans mensonge qu'ils étaient dans leurs pères, tous ces enfants qui sont nés de lui seul et se sont. multipliés par des générations successives. Non-seulement ils étaient en lui, mais quand il payait la dîme sciemment et volontairement, ils ont aussi payé la dîme sans le savoir et sans le vouloir, puisqu'ils n'étaient pas en état de connaître et de vouloir. Or, l'auteur sacré de cette Epître nous tenait ce langage pour élever le sacerdoce du Christ figuré par Melchisédech, à qui Abraham payait la dîme, au-dessus du sacerdoce lévitique, et il nous enseigne que Lévi lui-même, qui décimait ses frères, ou en recevait la dîme, paya en Abraham la dîme à Melchisédech; puisqu'il était en Abraham quand Melchisédech le décima ou en reçut la dîme. Et dès lors il veut faire comprendre que le Christ à qui il est dit : « Tu es prêtre pour l'éternité, selon l'ordre de Melchisédech[^6] », n'a jamais payé la dîme; afin d'élever son sacerdoce au-dessus de celui de Lévi, puisque Melchisédech reçut la dîme d'Abraham et ne la paya à personne, comme Lévi en Abraham.

Si l'on nous demande comment le Christ ne paya point la dîme, puisque lui aussi était en Abraham selon la chair, quand Abraham son père payait la dîme à Melchisédech, nous n'avons d'autre réponse, sinon que Marie, sa mère, qui lui a donné sa chair, est née à la vérité de la convoitise charnelle de ses parents; mais que le Christ a été conçu en elle non point par le germe de l'homme, puisque c'est par l'œuvre de l'Esprit-Saint. Il n'appartenait pas à cette génération charnelle qui renfermait en Abraham tous ceux qui, au témoignage de l'Ecriture, payèrent la dîme par ses mains. Or, cette convoitise charnelle, qui provoque la génération par la voie de la chair, ou était nulle en Adam avant le péché, ou fut viciée en lui par le péché. Or, si elle n'existait point, il y avait une manière convenable de provoquer le germe humain, et de le répandre au sein de l'épouse ; mais si elle existait, elle était soumise à la volonté. S'il en était ainsi maintenant, la chair ne se révolterait point contre l'esprit. Donc, ou bien c'est la concupiscence tente qui est un vice, si elle n'existait point avant le péché; ou bien elle a été viciée par le péché et ainsi, c'est d'elle que nous tirons le péché d'origine. Il y avait donc dans le corps de Marie cette matière charnelle d'où le Christ tira sa chair ; mais le Christ ne fut point en elle un fruit de la convoitise. D'où il suit qu'il est né de la chair avec la chair, dans la ressemblance de la chair du péché, mais non comme les autres hommes, dans la chair du péché: c'est pourquoi, loin de contracter lui-même le péché originel par la génération, il l'a effacé dans les autres par la régénération. Aussi le premier homme est-il le premier Adam et celui-ci le second Adam, parce que l'un a été créé, et l'autre est né sans la convoitise de la chair. Mais le premier n'était qu'un homme, celui-ci est homme et Dieu, et dès lors le premier pouvait ne point pécher, bien éloigné du second qui ne pouvait pécher.

C'est donc en vain que tu voudrais égaler au péché d'Adam les péchés de ses enfants, et peut-être même les mettre au-dessus, quelque grands et horribles qu'ils soient. Plus sa nature était grande et sublime, et plus sa chute fut profonde. Telle était cette nature, qu'elle ne pouvait mourir si elle n'eût voulu pécher : telle était cette nature, qu'elle ne ressentait point le désaccord de l'esprit et de la chair : telle était cette nature, qu'elle n'avait aucun vice à combattre, non qu'elle cédât au vice, mais parce qu'il n'y en avait point en elle. Tu ne pourrais donc égaler au sien les péchés de ses enfants qu'en leur donnant une semblable nature, ni les élever au-dessus qu'en leur donnant une nature meilleure. Plus, en effet, la nature raisonnable a de supériorité, et plus sa chute est grande; moins l'on peut croire à son péché, et plus il est condamnable. Aussi la chute de l'ange fut-elle sans remède, parce que l'on exige plus de celui qui a plus reçu[^7] : il était d'autant plus redevable en fait d'obéissance volontaire, que sa nature était supérieure en bonté; delà vient qu'en faisant ce qu'il ne devait pas, il encourut pour châtiment que la volonté du bien lui devînt impossible, et qu'il fut destiné aux tourments éternels, Pour Adam, il fut délivré du supplice éternel par la grâce de Jésus-Christ Notre-Seigneur, dans un si grand nombre de ses enfants, qu'il pourrait à peine les compter: il en fut délivré par lui-même, sans doute quelques milliers d'années après sa mort, quand le Christ voulut bien descendre pour nous dans les régions des morts[^8], et sans nécessité, mais en vertu de son pouvoir, les délivra des peines de l'enfer. Car on doit comprendre que la divine sagesse[^9] l'a délivré de son péché, parce que ce n'est point sans raison que l'Eglise le croit délivré de ses liens non par son mérite, mais par la grâce de Jésus-Christ Notre-Seigneur, dont Adam était le père ainsi que du genre humain, en vertu de cette chair qui venait de lui et que revêtit le Christ, Fils unique de Dieu. Dieu imputa donc au premier Adam le péché dont il lui était libre de s'abstenir; mais telle était dans ce premier Adam l'excellence de sa nature, qui n'était point viciée, que sa faute surpassait le péché de tous les autres d'autant que lui-même était supérieur à tous les autres. De là vient que son châtiment, qui suivit immédiatement le péché, parut si grand, qu'il fut à l'instant assujetti à la mort, lui qui aurait pu ne point mourir; et qu'il fut à l'instant chassé du lieu de délices, à l'instant séparé de l'arbre de vie. Or, quand tout cela arriva, le genre humain était en lui. De là aussi, d'après ces droits de génération, dont nous avons parlé, droits occultes, mais très-puissants , cette conséquence, que tous ceux qui étaient en lui et qui devaient naître en ce monde par la convoitise de la chair, fussent damnés avec lui ; de même que cette autre conséquence, que ceux qui étaient en Abraham par droit de filiation et de progéniture fussent décimés avec lui. Donc tous les enfants d'Adam portent la tache contagieuse du péché, et sont enchaînés parla nécessité de mourir. Et dès lors, quelque jeunes qu'ils soient, bien qu'ils ne fassent volontairement ni le bien ni le mal ; parce qu'ils sont revêtus de celui qui a péché volontairement, ils tirent de lui la tache du péché et le supplice de la mort; de même que les petits enfants, qui ont revêtu Jésus-Christ, bien qu'ils n'aient rien fait par leur volonté, ont part néanmoins à sa justice et à la récompense de la vie éternelle. C'est ainsi qu'Adam est au rebours l'image de l'Adam futur ou du Christ: ce qui a fait dire à saint Paul: «Comme nous avons porté l'image de l'homme terrestre, portons aussi l'image de l'homme céleste[^10] ».

Et puisqu'il en est, ainsi, qu'il nous dise que les enfants ne sont point, à leur naissance, revêtus du péché et de la mort du premier Adam, celui qui osera bien nous dire qu'en renaissant, ils ne sont point revêtus de la justice et de la vie du second Adam: bien que ni les uns n'aient point fait le péché dont ils pouvaient s'abstenir, ni les. autres cet acte juste que l'on fait librement.

  1. Gen. XXV, 23.

  2. Deut. XIV, 22.

  3. Exod. XIV, 30.

  4. Isaïe, LIX, 20, 21.

  5. Héb. VII, 3.

  6. Ps. CIX, 4, et Héb. IV, 6.

  7. Luc, XII, 48.

  8. Act, II, 21.

  9. Sap. X, 2.

  10. I Cor. XV, 49.

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Contre la seconde réponse de Julien

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