V.
--- Dans la suite, ayant quitté le service, Martin se rendit auprès de saint Hilaire, évêque de Poitiers ; homme dont la foi vive était connue et admirée de tout le monde ; il y resta quelque temps. Hilaire voulut le faire diacre pour se l'attacher plus étroitement et le consacrer au service des autels ; mais Martin avait souvent refusé, disant hautement qu'il en était indigne. Hilaire, dans sa sagesse, vit bien qu'il ne se l'attacherait qu'en lui conférant un emploi ; dans lequel il semblerait ne pas lui rendre justice ; il voulut donc qu'il fût exorciste. Martin ne refusa point cet ordre, de peur de paraître le mépriser, à cause de son infériorité. Quelque temps après, Dieu lui ayant ordonné en songe d'aller dans sa patrie visiter ses parents encore païens, pour s'occuper de leur conversion avec une pieuse sollicitude, saint Hilaire lui accorda la permission de s'éloigner ; mais, à force de prières et de larmes, il obtint de lui la promesse de revenir. Il était plein de tristesse, dit-on, quand il entreprit ce voyage, et il assura à ses frères qu'il y aurait beaucoup à souffrir : ce qui arriva effectivement. S'étant d'abord égaré dans les Alpes, il rencontra des voleurs ; l'un d'eux le menaça d'une hache qu'il brandissait au-dessus de sa tête, un autre détourna le coup ; on lui lia ensuite les mains derrière le dos, et il fut livré à l'un de ces brigands pour être gardé et dépouillé. Ce voleur le conduisit dans un endroit plus retiré encore, et lui demanda qui il était. « Je suis chrétien, » répondit Martin ; il lui demanda ensuite s'il avait peur ; Martin répondit alors avec courage qu'il n'avait jamais été plus tranquille, parce qu'il savait que la miséricorde du Seigneur ne lui ferait jamais défaut, surtout dans les épreuves, et que c'était plutôt lui qu'il plaignait, puisque le brigandage auquel il se livrait le rendait indigne de la miséricorde de Dieu. Puis, commençant à développer la doctrine de l'Évangile ; il prêcha au voleur la parole de Dieu. Qu'ajouter à cela ? Le voleur crut en Jésus-Christ, accompagna Martin qu'il remit dans son chemin, en se recommandant à ses prières. Dès lors il mena, dit-on, une vie sainte, et l'on croit même que c'est de sa bouche que l'on a recueilli les détails précédents.