8.
Notre principal effort, la pensée fixe de notre coeur est de nous occuper sans cesse de Dieu et des choses divines. Tout ce qui peut nous en distraire , quelque grand qu'il puisse être, doit nous paraître secondaire et nuisible même. Cette obligation de notre esprit est parfaitement représentée dans l'Évangile par l'histoire de Marthe et de Marie.
Marthe travaillait saintement , puisqu'elle servait Notre-Seigneur et ses disciples, tandis que Marie, tout entière à la doctrine de Jésus, se tenait à ses pieds, qu'elle baisait et qu'elle embaumait des parfums d'une humble confession ; c'est à elle que le Seigneur donne la préférence , déclarant qu'elle a choisi la meilleure part et qu'elle ne lui sera point enlevée. (Luc. X, 42.) Marthe se fatiguait dans ses pieuses occupations, et comme elle voyait qu'elle ne pouvait pas y suffire, elle demandait au divin Maître l'aide de sa soeur. « Ne voyez-vous pas, lui disait-elle, que ma soeur me laisse servir seule ; dites-lui de m'aider. » Elle l'appelait ainsi à une oeuvre qui n'était pas méprisable, mais sainte ; et, cependant, quelle fut la réponse du Sauveur? a Marthe, Marthe, vous vous agitez et vous vous troublez de bien des choses. Mais il en faut peu, et une seule est nécessaire. Marie a choisi la meilleure part, et elle ne lui sera pas enlevée. » Vous voyez que Notre-Seigneur met le bien principal dans la théorie, c'est-à-dire dans la contemplation divine. Ainsi toutes les autres vertus, quelque utiles et nécessaires qu'elles nous paraissent, ne doivent être estimées qu'au second rang, parce qu'elles servent seulement à acquérir la principale.
Quand Notre-Seigneur dit : « Vous vous agitez et vous vous troublez de beaucoup de choses, quoiqu'il y en ait peu et qu'une seule même soit nécessaire, » il place le souverain bien , non pas dans l'action , quelque louable et profitable qu'elle soit, mais uniquement dans la simple contemplation de lui-même. Il déclare que peu de choses sont utiles pour arriver à cette parfaite béatitude, à cette théorie que nous enseigne l'exemple de quelques saints. Le progrès consiste à les imiter, en s'appliquant à contempler Dieu en eux, jusqu'à ce que, avec l'aide de la grâce , nous nous élevions au-dessus de leurs grandes actions pour jouir de la vue et de la beauté de Dieu même. Marie a donc choisi la meilleure part, qui ne lui sera pas enlevée. Il faut remarquer qu'en disant : « Marie a choisi la meilleure part, » Notre-Seigneur ne parle pas de Marthe et ne paraît pas la blâmer, il loue seulement sa soeur, et il lui donne le second rang. Quand il ajoute : « Cette part ne lui sera pas enlevée, » il montre que la part de Marthe ne lui sera pas conservée , car les actions extérieures cesseront avec la vie de l'homme, tandis que la contemplation de Marie ne finira jamais.