10.
L'ABBÉ SERENUS. La lecture de la Genèse montre bien que ce ne fut pas là le commencement de sa prévarication et de sa chute; car, avant de les avoir séduits, il portait déjà le nom de serpent. « Le serpent, dit l'Écriture, était le plus sage, ou, selon le texte hébreu, était le plus rusé de tous les animaux de la terre que Dieu avait créés. ( Genèse, III , 1.) Vous voyez donc qu'avant la faute du premier homme, il s'était séparé de la sainteté des anges, puisque non-seulement il méritait le titre honteux de serpent, mais qu'il passait pour le plus méchant des animaux de la terre. La sainte Écriture ne se serait jamais servie de ce mot pour désigner un bon ange, et elle n'eût jamais dit, en parlant d'un de ces esprits bienheureux : Le serpent était le plus rusé des animaux de la terre. Ce nom ne peut convenir ni à saint Michel, ni à saint Gabriel, ni même à un homme de bien. Ce nom de serpent et cette comparaison avec les bêtes répugnent à la dignité d'un ange, et ne peuvent exprimer que la perfidie du démon.
Cette envie et ses artifices à l'égard de l'homme qu'il voulait tromper, a pour cause une chute antérieure; il ne pouvait souffrir qu'un homme, qu'il venait de voir formé du limon de la terre, fût appelé à cette gloire dont il était tombé lui-même. Ainsi, sa première chute fut causée par son orgueil, et lui mérita le nom de serpent. La seconde fut causée par l'envie ; il avait encore en lui quelque chose de sage, puisqu'il était capable de communiquer et de s'entretenir avec l'homme ; mais la sentence de Dieu le fit descendre plus bas. Il pouvait autrefois marcher droit et la tète levée ; il fut condamné à ramper sur la terre et à s'en nourrir, c'est-à-dire à se repaître des vices et des oeuvres de la terre. Dieu dévoila sa haine secrète et mit entre lui et l'homme cette inimitié utile et cette salutaire horreur, afin que, reconnu pour un ennemi dangereux, il ne pût tromper l'homme par ses ruses et ses caresses.