DE LA THÉBAIDE A L'ÉVÊQUE HONORAT ET A EUCHER.
VÉNÉRABLES FRÈRES,
Votre perfection brille dans le monde, comme un astre d'une admirable pureté : beaucoup de saintes âmes que vous formez par vos exemples, cherchent à l'imiter. Et cependant vous êtes si zélés pour la gloire des grands hommes qui nous ont donné, les premiers, les règles de la vie soli-taire , que l'un de vous qui dirige de nombreux religieux, désire que sa congrégation, enseignée chaque jour par votre présence, soit encore éclairée par les leçons des saints anachorètes, tandis que l'autre, pour s'édifier de leur vie extérieure , veut aller au fond de l'Égypte, et quitter les froides provinces de la Gaule, pour s'envoler, comme une chaste colombe, vers ces régions que le Soleil de Justice éclaire de plus près, et qu'il rend fertiles en toutes sortes de vertus.
La charité m'a forcé , pour satisfaire le désir de l'un et épargner la fatigue de l'autre, de me jeter dans la tâche périlleuse d'écrire. J'entreprends cet ouvrage , dans l'espérance d'augmenter l'autorité du premier sur ses enfants, et d'éviter au second les dangers d'une pénible navigation. Puisque votre foi et votre ferveur ne se contentent pas de mes douze livres des Institutions monastiques, que j'ai adressés à l'évêque Castor, de bienheureuse mémoire, ni des dix conférences avec les Pères du désert de Schethé , que j'ai écrites pour obéir aux saints évêques Hellade et Léonce , je veux, pour vous rendre compte de notre voyage, vous dédier encore sept conférences, que nous avons eues avec les trois premiers solitaires que nous avons visités dans un autre désert. Elles sont écrites du même style, et elles suppléeront à ce qu'il peut y avoir d'obscur ou d'oublié dans mes autres écrits sur la perfection. Si elles ne peuvent encore satisfaire votre sainte avidité, j'espère contenter enfin l'ardeur de vos désirs, avec les sept autres conférences que je dois envoyer aux saints ermites qui habitent les îles Stoechades1.
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Ces îles étaient situées à l'embouchure du Rhône. ↩