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L'ABBÉ NESTEROS. On ne comprend pas bien une proposition, lorsqu'on n'examine pas avec soin tout ce qu'elle renferme. Nous avons dit que ces personnes pouvaient discourir habilement et avec élégance sur les saintes Écritures, mais qu'elles ne pouvaient en pénétrer les sens profonds et les mystères. La science véritable n'est possédée que par les vrais adorateurs de Dieu, et ne se trouve pas dans cette foule dont il est dit : « Écoute, peuple insensé qui n'a pas de coeur; tu as des yeux , et tu ne vois pas ; des oreilles , et tu n'entends pas » (Jérémie, v, 21); et encore : « Parce que tu as rejeté la science, je te rejetterai aussi, et tu ne rempliras pas les fonctions de mon sacerdoce »
(Osée, IV, 10); car « tous les trésors de la sagesse et de la science sont cachés dans le Christ. » (Coloss., II, 3.) Comment donc celui qui aura négligé de trouver le Christ, qui l'aura blasphémé, après l'avoir trouvé, ou qui aura souillé sa foi par des fautes , pourrait-il acquérir la vraie science; puisque « l'esprit de Dieu fuit les pratiques hypocrites, et ne peut habiter dans un corps soumis au péché. » (Sag., I , 5.) On ne parvient jamais à la science spirituelle sans suivre cette règle qu'un prophète exprime si bien : « Semez pour vous la justice; moissonnez l'espérance de la vie; éclairez-vous des lumières de la science. » (Osée, X, 12.) Il faut d'abord semer pour nous la justice, c'est-à-dire travailler à notre perfection par des oeuvres de justice. Il faut ensuite moissonner l'espérance de la vie, c'est-à-dire recueillir les fruits des vertus spirituelles , après avoir éloigné tous les vices de la chair, et nous pourrons ainsi nous éclairer de la lumière de la science.
Le Psalmiste nous apprend aussi à suivre cet ordre, lorsqu'il nous dit : « Bienheureux ceux qui sont sans tache dans la voie et qui marchent dans la loi du Seigneur; bienheureux ceux qui approfondissent ses enseignements. » (Ps., CXVIII, 1.) Il ne dit pas d'abord, Bienheureux ceux qui approfondissent ses enseignements, et ensuite, Bienheureux ceux qui sont sans tache dans la voie; mais il commence par dire , Bienheureux ceux qui sont sans tache; nous montrant par là que personne ne peut bien comprendre la parole de Dieu, si la pratique ne l'a pas purifié dans la voie de
Jésus-Christ. Ainsi ceux dont vous parlez ne. peuvent posséder cette science qui n'appartient jamais aux coeurs impurs ; ils n'ont que cette science fausse et menteuse dont parle l'Apôtre, lorsqu'il dit : « O Timothée, gardez le dépôt qui vous est confié; évitez les nouveautés profanes de la parole et les fausses apparences de la science. » (I Tim., VI, 20.) Ces personnes qui paraissent acquérir une certaine science et qui s'appliquent à l'étude des saintes Écritures , sans abandonner les vices de la chair, sont très-bien désignées dans les Proverbes par ce passage : «La beauté d'une femme qui se conduit mal, ressemble à un anneau d'or au nez d'un pourceau.» (Prov., XI, 22.) A quoi sert, en effet, de se parer de cette connaissance des saintes Écritures, si on l'a. souillée dans la boue des passions, en se livrant aux plaisirs des sens?
La science, qui est la gloire de ceux qui s'en servent bien, au lieu de recommander ceux qui la profanent ainsi, doit, au contraire, les couvrir de honte. Car « la louange ne peut être admirée dans la bouche du pécheur » (Eccli., XV, 9), auquel Dieu dit par son Prophète : « Pourquoi racontes-tu mes justices et pourquoi ta bouche parle-t-elle de mon alliance? » (Ps. XLIX, 16.) Il est question, dans les Proverbes, de ces âmes qui ne sont pas affermies dans la crainte du Seigneur qui est la règle et la sagesse, et qui sont sans cesse appliquées à pénétrer le sens des Écritures
« Pourquoi, est-il dit, l'insensé possède-t-il des richesses, puisqu'il ne peut acheter la sagesse? » (Prov., XVII, 16.) La science spirituelle dont nous parlons est si différente de cette science profane qui est souillée par le vice, que nous l'avons admirée souvent dans des personnes simples qui savaient à peine lire. Ne la voyons-nous pas briller dans les Apôtres et dans un grand nombre de saints qui méprisaient les vains ornements des philosophes, mais qui ployaient sous les véritables fruits de la science spirituelle? Il est dit dans les Actes des Apôtres : « Le peuple voyait la constance de Pierre et de Jean et les savait sans lettres et sans éducation; il était dans l'admiration.» (Act., IV, 13.)
Si donc vous voulez acquérir les trésors si doux et si précieux de la science, faites d'abord tous vos efforts pour obtenir de Dieu une chasteté parfaite. Celui qui n'est pas affranchi des passions de la chair, et surtout des désirs de la volupté, ne pourra jamais posséder la science spirituelle; car « la sagesse repose dans le coeur qui est bon, et celui qui craint Dieu trouvera la science avec la justice. » (Prov., XIV, 33.) L'Apôtre nous enseigne aussi que, pour parvenir à cette science, il faut garder l'ordre dont nous avons parlé; car, en voulant non-seulement nous énumérer toutes les vertus, mais encore nous indiquer les rapports qu'elles ont entre elles, afin de nous apprendre celles qui suivent et celles qui produisent les autres, il nomme les veilles, les jeûnes, la chasteté, la science, la patience, la bonté, l'Esprit -Saint et la charité sincère. (II Cor., VI, 5.) Dans cette suite de vertus, il a voulu évidemment nous enseigner qu'on arrivait par les veilles et les jeûnes à la chasteté, par la chasteté à la science, par la science à la patience, par la patience à la bonté, par la bonté à l'Esprit-Saint et par l'Esprit-Saint à la charité véritable. Lorsqu'en suivant cette règle, vous serez parvenu à la science spirituelle, vous aurez certainement, comme nous l'avons dit, non pas un savoir vain et stérile, mais une doctrine forte et féconde. Vos paroles seront une bonne semence qui tombera dans le coeur de ceux qui vous entendront, et la rosée abondante du Saint-Esprit la fera germer et fructifier, selon la promesse du Prophète : « La pluie arrosera votre semence, partout où vous la répandrez sur la terre; et le pain des moissons de vos champs sera le plus nourrissant et le meilleur. » (Isaïe, XXX, 23.) .