10.
Pour prouver ce que nous disons , d'après le témoignage des anciens et les oracles de la sainte Écriture, nous rapporterons ce que le bienheureux Paphnuce pensait de ces miracles et de cette pureté de coeur, ou plutôt ce qu'il en avait appris d'un ange. Ce saint abbé avait passé un grand nombre d'années dans une austérité si grande, qu'il se croyait délivré de toutes les entraves de la concupiscence; car il triomphait toujours des attaques du démon qui l'avaient tourmenté longtemps. Un jour, il voulut préparer un repas à des solitaires qui étaient venus le voir; la flamme, en s'échappant du four, lui brûla la main. Cet accident l'attrista; il se disait à lui-même : Comment ce feu me fait-il la guerre, lorsque le démon n'ose plus m'attaquer? Comment le feu qui ne s'éteint pas et qui juge si sévèrement le mérite de chacun, m'épargnera-t-il au dernier jour, si je ne puis supporter maintenant ce feu si faible et si passager? Pendant qu'il était troublé par ces pensées, le sommeil s'empara de ses sens, et un ange lui apparut : « Pourquoi, lui dit-il, Paphnuce, êtes-vous triste de ce que le feu de la terre ne vous épargne pas encore, puisque la concupiscence qui est dans votre chair n'est pas entièrement éteinte. Tant que ces racines vivront dans vos membres, elles serviront d'aliment à ce feu matériel, et vous y deviendrez seulement in-sensible, quand l'expérience vous montrera qu'elles sont détruites en vous. Si vous rencontrez une jeune vierge d'une grande beauté, et que vous puissiez la toucher sans en ressentir le moindre trouble , la flamme visible vous sera douce et sans effet, comme elle l'a été pour les trois compagnons de Daniel dans la fournaise de Babylone. » Le vieillard fut frappé de cette vision. Il n'osa pas faire l'expérience qui lui était indiquée, mais il interrogea sa conscience; il examina la pureté de son coeur, et il crut voir que sa chasteté n'était pas encore aussi parfaite que l'ange le demandait. Il n'est pas étonnant, se dit-il, qu'après avoir repoussé les attaques du démon, je ressente les effets du feu que je croyais moins terribles; car il faut une vertu plus grande et une grâce plus élevée pour éteindre la concupiscence de la chair, que pour triompher des violences extérieures des démons, que mettent en fuite le signe de la croix, et la vertu de Jésus-Christ; son nom seul suffit pour les chasser du corps des possédés.
Après nous avoir ainsi expliqué le don des miracles, l'abbé Nesteros nous conduisit, en nous continuant ses saints enseignements, jusqu'à la cellule de l'abbé Joseph, qui était éloignée de la sienne de près de deux lieues.