1.
Peu de jours après, le désir que nous avions de nous instruire de plus en plus, nous fit retourner avec joie au monastère de l'abbé Paul, où se trouvent ordinairement plus de deux cents religieux; mais le nombre en était beaucoup augmenté, parce qu'il en était venu une multitude des monastères voisins pour célébrer le service anniversaire de l'ancien abbé. Je parle de ce monastère pour avoir l'occasion de citer l'exemple d'une douceur inaltérable donné en présence de toute cette assemblée. Je serai court parce que mon intention est de rapporter les enseignements de l'abbé Jean , qui abandonna la solitude pour se soumettre humblement à la règle d'un monastère; mais je ne trouve pas mal de dire en passant ce qui peut édifier et porter à la vertu. Toute cette multitude de religieux était réunie par table de douze , dans un lieu spacieux et découvert. L'abbé Paul, qui activait les frères chargés de servir, en rencontra un qui était un peu en retard; et il profita de l'occasion, pour lui donner, en présence de tout le monde, un soufflet si fort qu'il fut entendu par les religieux les plus éloignés. Son but, en agissant ainsi, était de faire admirer la patience de ce jeune homme, et de donner à tous un rare exemple de modestie. Et, en effet, il ne s'était pas trompé ; car ce bon religieux reçut cet affront avec tant de douceur, que non-seulement aucune plainte, aucun murmure ne sortit de ses lèvres, mais qu'il ne parut pas même sur son visage la moindre altération, le moindre changement de couleur. Non-seulement, nous qui venions d'un monastère de Syrie, nous fûmes étonnés d'une si rare vertu, mais encore les autres religieux, qui étaient plus habitués à de pareils exemples, en furent très-édifiés; car si la réprimande de son supérieur n'avait pas troublé sa patience, comment la présence d'une si grande multitude n'avait-elle pas causé la plus petite émotion sur son visage?