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L'ABBÉ THÉONAS. Nous devons tellement respecter l'autorité de nos frères et la tradition qu'ils nous ont laissée, que nous les acceptions sans même les comprendre et que nous leur obéissions aussi fidèlement qu'autrefois. Cependant , puisque vous désirez savoir le principe et les causes de notre observance, je vais vous dire , en peu de mots , les explications que nous en ont données nos supérieurs. Mais avant de vous citer le témoignage des saintes Écritures, examinons, si vous le voulez bien, un instant, la nature du jeûne et ses conditions. Les textes sacrés seront plus utiles ensuite à notre discussion.
La divine sagesse nous dit dans l'Ecclésiaste, qu'il y a un temps pour toutes les choses, qu'elles soient heureuses ou qu'elles nous paraissent contraires : « Toute chose a son temps, et tout ce qui est sous le ciel a son moment qui lui est propre. Il y a temps de naître et temps de mourir, temps de planter et temps d'arracher ce qui est planté, temps de tuer et temps de guérir, temps de détruire et temps d'édifier, temps de pleurer et temps de rire, temps de gémir et temps de danser, temps de jeter des pierres et temps de les ramasser, temps de s'embrasser et temps de se séparer, temps d'acquérir et temps de perdre, temps de retenir et temps de renvoyer, temps de rompre et temps de renouer, temps de se taire et temps de parler, temps d'aimer et temps de haïr, temps de guerre et temps de paix; » et l'Ecclésiaste ajoute : « Parce que chaque chose, chaque action a son temps. » (Eccl., III, 2-11.) Il rie reconnaît pour bon que ce qui se fait dans le temps convenable. Ainsi une chose qui serait bonne, si elle était faite en son temps, pourrait devenir inutile et nuisible, si elle était faite à contre-temps. Il faut accepter tout ce qui est bon ou mauvais par soi-même et qui, par conséquent, ne peut pas changer, comme la justice, la prudence, la force, la tempérance et les autres vertus, ou bien les vices qui leur sont contraires; car les vertus ne peuvent être appelées des maux et les vices dès biens ; mais pour les choses qui sont indifférentes en elles-mêmes, c'est par leur usage qu'elles deviennent bonnes ou mauvaises; elles ne le sont pas naturellement. Les dispositions et le temps où on les fait, les rendent seulement utiles ou dangereuses.