4.
Si nous voulons établir cette vérité par des témoignages plus évidents, ne voyons-nous pas que l'Évangile appelle bonnes bien des choses : un arbre , par exemple, un trésor, un homme, un serviteur?
« Un bon arbre, dit-il, ne peut porter de mauvais fruits. Un homme qui est bon, tirera de bonnes choses du trésor de son coeur. Courage, bon et fidèle serviteur. » (S. Matth., XII, 33. — S. Luc, XVIII.) Ceux-là étaient bons, sans doute; mais en les comparant à la bonté de Dieu, ils ne paraissent plus tels; car le Seigneur a dit : « Personne n'est bon que Dieu seul. » (S. Marc, X.) Les Apôtres eux-mêmes, que leur vocation élevait de plusieurs manières au-dessus de la bonté de tous les hommes, sont appelés cependant mauvais ; car le Sauveur leur dit : « Si vous, qui êtes mauvais, vous savez donner à vos enfants ce qui est bon, combien plus votre Père céleste donnera-t-il ce qui est bon à ceux qui le demandent ! » (S. Matth., VII, 9.) Notre bonté, comparée à la bonté infinie, ne paraît que malice, et notre justice, comparée à la justice divine, ressemble à une chose qu'on méprise. « Toutes nos justices, dit le prophète Isaïe, sont semblables à un linge sale et impur.» (Isaïe, LXIV, 6.)
Nous pouvons en donner une preuve plus évidente : les préceptes de la loi étaient des préceptes de vie, puisqu'il est dit : « La loi a été ordonnée par les anges, dans la main du Médiateur » (Gal., III, 19), et que l'Apôtre dit aussi : « La loi est sainte, et le commandement est saint, juste et bon. » (Rom., VII, 12.) Cependant, si on les compare à la perfection de l'Évangile , Dieu même déclare par son Prophète qu'ils ne sont pas bons : « Et je leur ai donné des préceptes qui n'étaient pas bons, et des justices qui ne les feront pas vivre. » (Ézéch., XX, 25.) Saint Paul lui-même nous affirme que la gloire de la loi est tellement obscurcie par la lumière du nouveau Testament, qu'en la comparant à la beauté de l'Évangile, il n'ose plus la glorifier : « Car ce qui était beau cesse de l'être, à cause de son admirable beauté. » (II Cor., III, 10.) L'Écriture établit de semblables comparaisons dans un sens contraire entre les pécheurs, dont les plus coupables semblent justifier ceux qui le sont moins. « Sodome, est-il dit, paraîtra juste à cause de toi; » et encore : « Quel mal a donc fait ta soeur Sodome? Et voici qu'Israël révolté justifie sa faute, en la comparant à la prévarication de Juda. » (Ézéch., XVI, 48.) Nous pouvons dire aussi que toutes ces vertus, dont nous avons parlé, quoique bonnes et précieuses en elles-mêmes, sont cependant obscures, quand on les compare à l'éclat de la contemplation; car en occupant les saints aux bonnes oeuvres et aux choses de la terre, elles les éloignent et les privent, pour un temps, de la vue du souverain Bien.