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Œuvres Jean Cassien (360-435) Collationes patrum Conférences de Cassien sur la perfection religieuse
TROISIÈME CONFÉRENCE DE CASSIEN AVEC L'ABBÉ PAPHNUCE : DES TROIS RENONCEMENTS

7.

Il serait peu utile d'accomplir avec foi et dévotion le premier renoncement, si nous n'accomplissions le second avec la même vigilance et la même ardeur; et quand nous y serons parvenus, nous pourrons arriver au troisième, et ne nous occuper que du ciel, en sortant de la maison de notre premier père, qui, dès notre naissance, nous a donné les habitudes du vieil homme, et nous a rendu ainsi enfants de colère. (Eph., II, 3.) C'est ce père que le prophète reproche à Jérusalem, qui avait méprisé Dieu son véritable Père. « Ton père est Amorrhéen , et ta mère Céthéenne. » (Ezech., XVl, 3.) Il est dit dans l'Évangile : « Vous êtes les enfants du démon , et vous voulez accomplir les désirs de votre Père. » (S. Jean, val, 44.) Lorsque nous quittons les choses visibles pour les invisibles, nous pouvons dire avec l'Apôtre : « Nous savons que si la demeure terrestre de notre corps se détruit, nous recevons de Dieu une demeure qui n'est pas faite de la main des hommes, et qui sera éternelle dans les cieux » (II Cor. V, 1;) et encore ce que nous avons déjà cité : « Nous sommes citoyens du ciel, et nous attendons Jésus-Christ notre Sauveur, qui a réformé notre corps misérable, pour le rendre semblable à son corps glorieux.» (Philip. , III, 20.) Nous dirons avec David : « Je suis étranger et voyageur sur la terre, comme l'étaient mes pères. » (Ps. XXXVIII, 13.) Nous deviendrons semblables à ceux dont Notre Seigneur disait à son Père, dans l'Évangile : « Ils ne sont pas de ce monde, comme je ne suis pas moi-même du monde.» ( S , Jean, XVII, 16.) Il disait aussi aux Apôtres : « Si vous étiez de ce monde, le monde aimerait ce qui lui appartiendrait; mais vous n'êtes pas de ce monde, et c'est pour cela que le monde vous déteste. » (S. Jean, XV, 13.)

Nous arriverons à la perfection du troisième renoncement, lorsque notre âme, délivrée de la corruption de la chair qui l'appesantit, et purifiée par ses efforts de toutes les affections terrestres, se sera élevée aux choses invisibles par la méditation continuelle des saintes Écritures et des choses divines; de telle sorte que, tout absorbée en Dieu, elle ne sente plus la faiblesse de la chair et le poids de son corps, et que dans son ravissement, elle n'aie plus d'oreilles pour entendre et d'yeux pour voir les hommes qui passent, mais qu'elle n'aperçoive même pas la forme des grands arbres et la masse des montagnes. Personne ne peut comprendre la vérité et la puissance de ce renoncement, s'il n'en fait lui-même l'expérience. Il faut que Dieu détourne tellement les yeux de notre coeur des choses présentes, qu'on les regarde, non pas comme devant passer, mais comme n'existant déjà plus, et s'étant évanouies comme une vaine fumée. On marche avec Dieu, et à l'exemple d'Énoch on est séparé de la vie ordinaire des hommes, on a disparu de la vanité de ce monde. C'est ce que la Genèse dit être arrivé réellement : « Énoch marchait avec Dieu , et on ne le trouva plus parce que Dieu l'enleva. » (Gen., V, 22.) L'Apôtre dit aussi : « Énoch fut transporté par la foi, afin qu'il ne vît pas la mort » (Hébr., XI, 5); cette mort , dont le Seigneur a dit dans l'Évangile : « Celui qui vit et qui croit en moi , ne mourra pas éternellement. » (S. Jean , XI, 26.)

C'est pourquoi nous devons nous hâter. Si nous désirons atteindre la vraie perfection, il faut renoncer de coeur à ce que nous avons quitté de corps, à nos parents, à notre patrie, aux richesses et aux plaisirs de ce monde, sans jamais y revenir par le désir, comme le firent ceux que Moïse avait tirés de l'Égypte. Ils en étaient sortis de corps, ils y rentrèrent de coeur, et ils abandonnèrent le Dieu qui les avait délivrés par tant de miracles, pour adorer les idoles qu'ils avaient méprisées, ainsi que le raconte la sainte Écriture : « Leur coeur retourna en Égypte, et ils dirent à Aaron : Faites-nous des dieux qui nous précèdent. » Ne méritons pas d'être condamnés comme ceux qui, dans le désert, après avoir été nourris de la manne céleste, regrettaient les viandes corrompues des vices et les aliments d'une vie honteuse. N'imitons pas leurs murmures en disant : « Quel bonheur nous goûtions en Égypte ! nous étions assis près de vases remplis de viandes, et nous mangions en abondance l'ail, l'oignon, les melons et les concombres. » (Exod., XVI, 3. Rom., XI, 5.)

Ce peuple ingrat était la figure de ce qui arrive tous les jours parmi nous; car ceux qui, après avoir renoncé au monde, retournent à leurs anciennes préoccupations et à leurs premiers désirs, crient comme les Juifs, par leurs pensées et par leurs actes : Que j'étais heureux en Égypte ! Et je crains vraiment que la multitude de ceux-là ne soit aussi grande que celle des murmurateurs du temps de Moïse. Sur six cent mille hommes armés qui sortirent de l'Égypte, il n'y en eut que deux qui entrèrent dans la terre promise. Il faut donc nous hâter d'imiter ces rares exemples de vertus; car l'Évangile confirme la figure de l'Ancien Testament : « Il y a beaucoup d'appelés, et peu d'élus. » (S. Matth., XX, 16.)

A quoi nous servirait ce renoncement extérieur, cette sortie d'Égypte, si nous n'avions pas le renoncement du coeur, bien plus méritoire et plus utile? C'est du renoncement corporel que parle l'Apôtre, lorsqu'il dit : « Quand même je donnerais tous mes biens pour nourrir les pauvres, et que je livrerais mon corps aux flammes, si je n'ai pas la charité, cela ne nie servira de rien. » (I Cor., XIII, 11.) Saint Paul n'eût jamais tenu ce langage, s'il n'eût prévu que, dans l'avenir, plusieurs, après avoir distribué leurs biens aux pauvres, n'arriveraient pas cependant au sommet de la perfection évangélique et de la charité, parce qu'en se laissant dominer par l'orgueil ou l'impatience, ils conserveraient dans leur coeur, la racine de leurs anciens vices et de leurs mauvaises habitudes, et qu'en ne travaillant pas à s'en débarrasser, ils ne parviendraient pas à la charité divine qui ne faiblit jamais. Comme ils pratiquent si peu le second degré de renoncement, ils acquièrent bien moins encore le troisième, qui est bien plus élevé; car faites attention qu'il n'est pas dit seulement : « Quand je donnerais mon bien. »

On pourrait croire qu'il s'agit de ceux qui n'accomplissent pas entièrement le précepte de l'Évangile, et qui réservent quelque chose comme les tièdes; mais il est dit : « Quand je distribuerais tout mon bien pour la nourriture des pauvres , c'est-à-dire, quand je renoncerais parfaitement à toutes les richesses de la terre. » Et l'Apôtre ajoute à ce renoncement un renoncement bien plus grand: « Et quand je livrerais mon corps aux flammes, si je n'ai pas la charité, je ne suis rien. » Comme s'il disait : « Quand je distribuerais tout mon bien aux pauvres, selon ce précepte de l'Évangile : « Si vous voulez être parfait, allez et vendez tout ce que vous avez ; donnez-le aux pauvres, et vous aurez un trésor dans le ciel ; venez et suivez-moi » (S. Matth., XXX , 21) ; quand je renoncerais ainsi à tout, que je ne me réserverais rien, et que j'ajouterais encore à ce sacrifice le martyre, en. livrant mon corps pour le Christ, si je suis cependant impatient, colère, envieux ou orgueilleux, si je m'irrite des injures, si je cherche mes intérêts, si je pense mal des autres, si je ne supporte pas avec patience et joie tout ce qui peut m'arriver, tout ce renoncement extérieur, et le martyre même ne me serviront de rien, dès que je conserve dans mon coeur mes anciens défauts. Il me sera inutile d'avoir renoncé dans la première ferveur de ma conversion aux choses du monde, qui ne sont ni bonnes ni mauvaises, mais indifférentes, si je n'ai pas soin de dépouiller mon coeur des choses qui lui nuisent, et d'acquérir « cette charité divine, qui est patiente et douce, qui n'a pas d'envie, d'orgueil, de colère, qui n'agit pas témérairement, ne recherche pas ses intérêts, ne pense pas le mal, qui souffre tout, supporte tout » (I Cor., XIII, 4), et ne laisse jamais tomber celui qui la possède dans les pièges du péché.

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Avant-Propos des Conférences de Cassien sur la perfection religieuse
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