XI.
D'ailleurs, à quoi servirait de laver nos mains pour prier, quand notre ame reste chargée des taches du péché, puisque la pureté spirituelle est nécessaire à nos mains elles-mêmes, c'est-à-dire qu'elles doivent se lever vers le ciel, pures du mensonge, du meurtre, de la cruauté, des empoisonnements, de l'idolâtrie et de toutes les autres souillures qui, conçues par l'esprit, sont regardées comme les œuvres des mains? Voilà quelle est la pureté véritable, mais non cette pureté superstitieuse que pratiquent la plupart des hommes qui se croient obligés à des ablutions corporelles avant de vaquer à la prière. En remontant scrupuleusement à l'origine et à la raison de cette coutume, j'ai reconnu qu'elle venait de Pilate, lorsqu'il livra aux Juis notre Seigneur. Pour nous, nous adorons Dieu, nous ne le livrons pas. Je dis plus. Nous devons repousser de toutes nos forces l'observance de celui qui le livra, et ne purifier nos mains qu'autant que notre conscience nous reproche d'avoir contracté quelque souillure dans le commerce de la vie humaine. Au reste nos mains seront toujours assez pures, puisqu'elles ont été lavées avec tout notre corps en Jésus-Christ. Qu'Israël lave tous les jours ses membres, il n'en sera jamais plus pur. Ses mains n'en resteront pas moins éternellement couvertes du sang des prophètes et du sang de notre Seigneur. Aussi, coupables héréditaires du crime de leurs ancêtres, n'osent-ils plus élever leurs mains vers le Seigneur, de peur qu'un nouvel Isaïe ne leur crie: Malheur! ou que le Christ lui-même ne frémisse d'épouvanté? Pour nous, non-seulement nous élevons nos mains, mais nous les élevons en croix comme notre Seigneur dans sa passion, et par cette attitude suppliante, nous confessons le Christ.