V.
Il est temps de traiter de la religion et de la sagesse, après avoir montré, comme j'ai fait, qu'elles ne peuvent se séparer. Je n'ignore pas combien il est difficile de parler des choses du ciel. Il faut néanmoins entreprendre d'éclaircir la vérité, afin que ceux qui la méprisent et qui la rejettent, parce qu'elle leur paraît pleine de folie, soient délivrés de l'erreur et évitent le danger où ils sont de périr. Mais, avant que de parler de Dieu et de ses ouvrages, je suis obligé de dire quelque chose des prophètes, dont je ne puis me dispenser de rapporter ici les témoignages, comme je m'en suis dispensé dans les livres précédents. Quiconque désire s'instruire de la vérité doit non seulement s'efforcer de pénétrer le sens de leurs paroles, mais encore examiner avec soin le temps qu'ils ont vécu, pour savoir ce qu'ils ont prédit et combien d'années se sont écoulées depuis leurs prédictions jusqu'à l'accomplissement qui les a suivies. Il n'y a pas grande difficulté à distinguer les temps de la sorte, parce que chaque prophète a marqué le règne sous lequel il a été inspiré par l'esprit de Dieu. On a outre cela entre les mains une quantité de livres, de chroniques qui commencent au temps de Moïse, qui a vécu près de neuf cents ans avant la guerre de Troie. Il gouverna durant quarante années le peuple Juif et eut pour successeur Josué, qui le gouverna vingt autres années.
Ce peuple fut ensuite sous la conduite de juges pendant trois cents soixante-dix ans. Ils changèrent après cela la forme de leur gouvernement et obéirent à des rois. Ils vécurent de la sorte l'espace de quatre cent soixante ans, jusqu'au règne de Sédéchias, sous lequel ils furent emmenés captifs à Babylone où ils demeurèrent soixante-dix ans, jusqu'à ce que Cyrus, qui régnait parmi les Perses au même temps que Tarquin le Superbe régnait parmi les Romains, daigna les rétablir dans leur pays. Ainsi il est aisé de trouver dans les histoires des Juifs, des Grecs et des Romains la suite des temps, et de marquer précisément celui de chaque prophète. Il est constant que Zacharie, le dernier de tous, a écrit ses prophéties au huitième mois de la seconde année du règne de Darius ; et partant, les prophètes sont plus anciens que tous les auteurs grecs. Je dis tout ceci à dessein de faire en sorte que ceux qui, ne sachant point l'origine de notre religion, ont la témérité de mépriser l'Écriture sainte, comme si elle était fort nouvelle, reviennent de leur égarement. Je ne doute point que quiconque prendra la peine de faire un calcul exact des temps ne reconnaisse la vérité et ne renonce à l'erreur.