X.
Il n'est permis à personne d'ignorer le décret que Dieu a porté dès le commencement, d'envoyer vers la fin des siècles son verbe sur la terre, afin qu'il y élevât un temple, et qu'il y enseignât la justice, et de l'envoyer non avec la force et avec le pouvoir d'un ange, mais sous la figure d'un homme, et dans un corps mortel, afin qu'après qu'il aurait publié sa doctrine, il fût livré aux impies, il souffrit la mort, il en triomphât, et que par sa résurrection il donnât l'espérance de l'immortalité aux hommes dont il avait pris la nature. Pour faire connaître à tout le monde cet ordre merveilleux des desseins de Dieu, je montrerai que tout ce qui a été accompli par Jésus-Christ avait été prédit par les prophètes. Que personne n'ajoute foi à mes paroles, qu'après que j'aurai prouvé, d'une manière invincible, que les prophètes avaient prédit que le Fils de Dieu naîtrait comme un homme, qu'il ferait des miracles, qu'il établirait le culte de son père sur toute la terre, qu'il serait crucifié, et qu'il ressusciterait trois jours après. Quand j'aurai prouvé toutes ces choses par les livres de ceux-là mêmes qui ont outragé leur propre Dieu couvert d'un corps mortel, ne sera-t-il pas évident que la véritable sagesse ne se trouve que dans la religion que nous pratiquons? Je suis obligé d'expliquer ici ce mystère, et de le reprendre dès son origine.
Nos ancêtres, les chefs des Hébreux, étant pressés de la famine et d'une disette de vivres allèrent en Egypte pour y acheter du blé, et y gémirent longtemps sous le joug d'une insupportable servitude, jusqu'à ce que Dieu, ayant pitié de leur misère, les en délivra après trois cent trente ans par le ministère de Moïse, dont il se servit encore pour leur donner la loi. Dieu fit éclater dans cette délivrance sa majesté et sa grandeur, en envoyant un ange qui sépara la mer et fit passer le peuple à travers, de sorte que l'on pouvait dire alors, plus véritablement que le poète n'a dit en une autre occasion, que :
Les eaux s'étaient élevées et étaient escarpées comme une montagne.
Le roi d'Egypte ayant eu la témérité de les poursuivre, fut enseveli avec son armée sous les flots qui avaient repris leur place. Les Hébreux virent dans le désert des miracles fort surprenants. Moïse, frappant une roche avec sa baguette, en fit sortir une source d'eau qui désaltéra tout le peuple : Dieu fit pleuvoir une manne miraculeuse qui le rassasia ; et pour le traiter avec pus de délicatesse et plus de magnificence, il lui envoya sur les ailes des vents des cailles jusque dans son camp. Mais, au lieu de reconnaître ses bienfaits et de lui en rendre de très humbles actions de grâce, dès qu'ils furent délivrés de la captivité, de la soif et de la faim, ils s'abandonnèrent à la débauche, et tombèrent dans les superstitions et dans les impiétés des Égyptiens. Pendant que Moïse était sur la montagne où il demeura quarante jours, ils élevèrent la tête du veau qu'ils appelèrent Apis, pour la porter devant eux. Dieu punit très rigoureusement leur impiété et leur ingratitude, et les assujettit à l'observation de la loi qu'il leur donna par le ministère de Moïse.
Lorsqu'ils se furent établis dans une partie déserte de la Syrie, ils quittèrent le nom d'Hébreux pour prendre celui de Juifs, du nom de Judas l'un de leurs chefs. Ils furent d'abord gouvernés par des juges, qui ne changeaient pas chaque année comme les consuls de Rome, mais qui exerçaient cette fonction leur vie durant. Le peuple tomba plusieurs fois dans l'idolâtrie durant ces temps-là, et fut réduit sous la puissance de ses ennemis, jusqu'à ce qu'ayant conçu un sérieux repentir de ses crimes, Dieu eut la bonté de le remettre en liberté. Lorsque ensuite ils furent commandés par les rois, ils s'attirèrent des guerres, et ils furent vaincus et menés captifs à Babylone, où ils souffrirent tous les mauvais traitements que méritait leur impiété, jusqu'à ce que Cyrus, étant monté sur le trône de Perse, daigna les rétablir. Ils furent après cela gouvernés par des tétrarques jusqu'à Hérode, qui vécut au temps du règne de Tibère, en la quinzième année duquel les Juifs crucifièrent Jésus-Christ sous le consulat des deux Geminius, le vingt-deuxième jour du mois de mars. Voilà l'ordre des temps, tel que l'Écriture sainte le décrit. Maintenant, pour découvrir le fondement de notre religion, je dirai le sujet pour lequel le Fils de Dieu est descendu sur la terre.