XII.
Puisque nous avons commencé à parler des parties internes du corps humain et que nous n'en devons omettre aucune, disons quelque chose de celle où les enfants commencent à se former. Je sais bien que la nature a pris un soin particulier de la cacher ; si elle l'a détournée des yeux, elle ne l'a pas dérobée à l'esprit. Les hommes ont deux canaux qui servent à porter la semence, et qui sont un peu au-dessus des vases où ils la portent. Le canal qui est au côté droit contient la semence qui fait les mâles, et celui qui est au coté gauche contient celle qui fait les femelles. C’est pour cela que le côté droit du corps a plus de force et est appelé masculin, et que le gauche en a moins et est appelé féminin. Quelques-uns croient que la semence vient de la moelle, et d'autres croient qu'elle vient de tout le corps, et qu'elle s'épaissit dans la veine qui la porte ; mais cela est fort obscur et fort difficile à connaître. Le sein des femmes se divise de la même sorte en deux parties, qui se plient à peu près comme les cornes d'un bélier. La partie qui est au côté droit est la partie masculine, et l'autre est la féminine. Pour ce qui est de la conception, voici de quelle manière Varron et Aristote croient qu'elle se fait. Ils attribuent une semence aux femmes aussi bien qu'aux hommes, la prennent pour la cause de la ressemblance que les enfants ont quelquefois avec leurs mères, et tiennent que c'est par le mélange des deux que se fait la conception. Ils s'imaginent que le cœur est le premier formé, à cause qu'il est le principe de la vie et le siège la sagesse, et que le reste du corps n'est achevé qu'en quarante jours. Cette conjecture est tirée des observations que l'on a faites aux mauvaises couches. Il est certain néanmoins que dans les oiseaux, ce sont les yeux qui sont formés les premiers, comme on l'a remarqué en voyant leurs œufs ; ce qui me persuade que c'est aussi la tête qui est la première formée dans l'homme. Pour ce qui est de la ressemblance, voici comme ils l'expliquent. Ils disent que, lorsque les deux semences se mêlent et se joignent, si celle du père a le dessus, l'enfant, de quelque sexe qu'il soit, ressemble au père ; au contraire si la semence de la mère a le dessus, l'enfant lui ressemble. Or la semence qui a le dessus est la plus abondante, et est celle qui enveloppe l'autre en quelque sorte et l'enferme. De là vient souvent que l'enfant ne ressemble qu'à l'un des deux. Il arrive pourtant, quand les semences sont bien mêlées, ou qu'il ressemble à tous les deux, ou qu'il ne ressemble ni à l'un ni à l'antre. Aussi voyons-nous quelquefois que les couleurs des animaux se mêlent de telle façon dans leurs petits qu'ils ressemblent en quelque chose à chacun d'eux, ou qu'ils ne leur ressemblent point du tout. Quant à ce qui est de la différence des sexes, je dirai ici ce que les philosophes enseignent. Ils tiennent que, quand la semence de l'homme tombe du coté gauche, il se fait un enfant mâle, mais que cet enfant tient beaucoup de sa mère, en ce qu'il en a la blancheur, la beauté, la taille, la voie, le tempérament, l'esprit, la délicatesse et la faiblesse. Quand la semence de la femme tombe da coté droit, il en vient une fille, mais elle a quelque chose de viril plus que la bienséance ne semble le demander, comme la force, la grandeur démesurée, le teint brun, le visage revêtu de quelques poils, la voix mâle, la hardiesse et le courage. Mais si la semence de l'homme tombe au côté droit et celle de la femme au coté gauche, alors les enfants naissent selon l'intention de la nature, les filles ayant la beauté qui leur convient, et les fils la vigueur qui leur est propre. Au reste, on ne saurait assez admirer la prévoyance dont Dieu a usé en formant les deux sexes, afin que, étant unis ensemble par le plaisir, ils conservassent le genre humain, malgré les efforts que la mort fait incessamment pour le détruire. Il a donné aux hommes la force en partage, afin, que les femmes leur fussent soumises. Et c'est pour cela qu'il a reçu le nom de vir qu'il a en latin, qui est un nom qui signifie la force, comme celui de la femme, mulier, venant de mollities, signifie la faiblesse et la mollesse. Lorsque la femme est près d'accoucher, son sein se remplit de lait pour la nourriture de son enfant. Il était juste que cette créature, qui doit avoir un jour la sagesse en partage, tirât son premier aliment d'auprès du cœur, qui est le siège de la sagesse. Cet aliment est une humeur blanche et épaisse qui soutient les enfants dans ce commencement de leur vie, jusqu'à ce qu'ils aient des dents et des forces qui les rendent capables d'une nourriture plus solide. Retournons cependant à notre sujet, et achevons d'expliquer ce qui en reste.