XX.
Voilà, mon cher Démétrianus ce que j’avais à vous dire en peu de paroles, selon que l’état du temps présent et de nos affaires me l’a pu permettre. Si vous trouvez quelque obscurité dans mon discours, je vous supplie de l’excuser et de croire que, Dieu aidant, je vous présenterai en un autre temps quelque ouvrage plus étendu et plus supportable. Je vous exhorterai alors, et plus au long et plus fortement à embrasser la véritable philosophie. Car j’ai résolu d’écrire le plus qu’il me sera possible touchant la vie bienheureuse, contre les philosophes, qui sont les plus dangereux et les plus redoutables ennemis de la vérité.1 En effet on ne saurait croire combien est grande la force de leur éloquence, et combien il leur est aisé de surprendre les simples par la subtilité de leurs raisonnements. C’est pourquoi je les combattrai, et par les armes que présente notre religion et par celles qu’ils fournissent eux-mêmes et je ferai voir que, bien loin d’avoir banni les erreurs, ils les ont autorisées. Vous vous étonnerez peut-être que je fasse une entreprise si hardie que celle-là. Mais voudriez-vous que je laissasse opprimer et étouffer la vérité ? Je me chargerai de ce travail, quand je devrais être accablé sous sa pesanteur. Que si des personnes qui n’avaient qu’une légère teinture des sciences et de l’art de parler n’ont pas laissé de gagner leurs causes contre Cicéron, cet incomparable orateur, et ils n’ont remporté sur lui de l’avantage que par la seule raison qu’ils défendaient la vérité, pourrons-nous douter que cette vérité même soit la force de détruire les vaines subtilités et une captieuse éloquence. Je sais bien que les philosophes font profession de la soutenir; mais comment la soutiendraient-ils sans la connaître? Comment renseigneraient-ils sans l’avoir apprise? J’avoue que je m’engage dans un grand travail, mais j’espère que Dieu me donnera et le temps et des forces pour l’achever. Si un homme sage peut souhaiter de vivre longtemps sur la terre, je ne souhaite cette faveur qu’à dessein d’en faire un usage qui soit digne de ce prix et de travailler à des ouvrages qui puissent être utiles à ceux qui prendront la peine de les lire, et qui leur donnent des préceptes, non d’éloquence, dont je sais que je n’ai qu’une connaissance fort médiocre, mais des bonnes mœurs, qui est tout ce qu’il y a de plus important et de plus nécessaire. Que si je suis assez heureux pour retirer quelques personnes de leur égarement et pour les mettre dans le chemin du ciel, je croirai n’avoir pas été tout à fait inutile dans ce monde et n’avoir pas entièrement manqué à mon devoir.
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On voit que la composition de ce traité a précédé celles des Institutions Divines dans lesquelles Lactance traite en effet les sujets mentionnés ici. ↩