1.
Comment peut-on concilier ce que dit saint Mathieu, que, le soir du dernier jour de la semaine, Marie-Madeleine, accompagnée d'une autre Marie, se prosterna aux pieds dû Sauveur; et ce que nous lisons dans saint Jean, que Jésus. lui dit : « Ne me touchez pas, car:je ne suis pas encore monté vers mon Père? »
Marie-Madeleine, avec l'autre, avait déjà vu Jésus-Christ ressuscité et s'était prosternée. à ses pieds; mais l'inquiétude que lui donnait l'absence du Sauveur ne lui permettant pas de demeurer tranquille en son logis, elle était revenue au sépulcre durant la nuit ; et voyant qu'un avait ôté la pierre avec laquelle on l'avait fermé, elle courut dire à saint Pierre et à cet autre disciple que Jésus aimait tendrement qu’on avait enlevé le Seigneur du sépulcre, et qu’elle ne savait pas où on l'avait mis. Cette femme faisait paraître tout à la fois et sa piété et son erreur : sa piété, en ce qu'elle cherchait avec tant d'empressement celui dont elle connaissait la majesté; son erreur, en ce qu'elle disait qu'on avait enlevé le Seigneur. Saint Pierre et saint Jean entrèrent ensuite dans le sépulcre, et ayant vu d'un côté les linceuls et de l'autre le suaire dont on avait enveloppé la tête du Sauveur, ils furent convaincus de la résurrection de leur divin maître, dont le corps n'était plus dans le tombeau. Mais « Marie se tint dehors, pleurant près du sépulcre, et s'étant baissée, » pour regarder dedans, « elle y aperçut deux anges vêtus de blanc, assis au lieu où avait été le corps de Jésus, l'un à la tête et l'autre aux pieds, » pour lui faire voir qu'il était impossible que les hommes eussent pu enlever un corps que les anges gardaient, et le ravir à ces illustres et puissants défenseurs. Ces anges qu'elle voyait lui dirent: « Femme, pourquoi pleurez-vous?» de même que Jésus-Christ avait dit autrefois à sa mère : «Femme, qu'y a-t-il de commun entre vous et moi? mort heure n'est pas encore venue .» En l’appelant « femme » ils lui reprochent l’inutilité de ses larmes; « pourquoi pleurez-vous?» lui disent-ils. Mais Madeleine était, tellement saisie et hors d'elle-même et sa foi, étonnée des prodiges qu'elle voyait, était, pour ainsi dire, enveloppée d'un nuage si épais que, sans s'apercevoir qu'elle parlait à des anges, elle leur répondit : « Je pleure parce qu'ils ont enlevé mon Seigneur, et que je ne sais où ils l'ont mis. » O Marie, si vous êtes persuadée qu'il est le Seigneur, et le vôtre en particulier, comment pouvez-vous croire qu'ils l'aient enlevé? «Vous ne savez, » dites-vous, «où ils l'ont mis: » comment pouvez-vous l'ignorer, vous qui venez de l'adorer, il n'y a qu'un moment? Elle voit les anges sans les connaître , saisie qu'elle est de crainte et d'étonnement ; et uniquement occupée du désir de voir le Seigneur, elle tourne la tête et jette les yeux de tous côtés. Enfin, ayant regardé derrière elle, « elle vit Jésus debout, sans savoir néanmoins que ce fût lui. » Ce n'est pas que Jésus-Christ , comme le prétendent Manès et quelques autres hérétiques , eût changé de figure afin de paraître quand il le voulait sous des formes différentes; mais c'est que Madeleine, surprise et étonnée de, tous les prodiges qu'elle voyait, prit pour un jardinier celui qu'elle cherchait avec tant d'inquiétude et d'empressement. Jésus donc lui dit, comme avaient fait les anges: « Femme, pourquoi pleurez-vous? « Et il ajouta: «Qui cherchez-vous? „ Marie lui répondit : « Seigneur, si c'est vous qui l'avez enlevé, dites-moi où vous l'avez mis et je l'emporterai. » Ce n'est point par le mouvement d'une véritable foi qu'elle donne au Sauveur le nom de « seigneur: « c'est son humilité et la crainte dont elle est saisie qui l'oblige à traiter un jardinier avec tant de respect et d'honnêteté.